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de l’épiscopat, est allé, il y a trois mois, à Rome, et, d’après son témoignage, il a prévenu M. le ministre des cultes de son départ; mais il paraît que ce n’est pas assez pour les nouveaux interprètes du régime concordataire, qui ne rêvent que peines et restrictions. Le concordat est formel. Les évêques ne peuvent s’absenter de leurs diocèses sans une autorisation authentique. M. L’évêque d’Angoulême, au lieu d’informer M. le ministre des cultes, devait demander une permission, et, comme il ne l’a pas fait, le gouvernement l’a mis en pénitence en lui supprimant un mois de traitement ! Cette question des traitemens ecclésiastiques s’est élevée il y a quelque temps à propos de quelques desservans privés de leurs molestes émolumens, et il était déjà fort douteux qu’un ministre eût ce droit d’amende discrétionnaire. Qu’est-ce donc pour des dignitaires de l’église? Dans quel article du concordat, ou des lois organiques, ou de toute autre loi, le gouvernement a-t-il trouvé ce droit exorbitant de suspendre de son autorité propre le traitement d’un évêque? S’il peut procéder ainsi à l’égard des chefs de l’église, pourquoi ne se croirait-il pas le droit de procéder de la même façon à l’égard des magistrats et des autres fonctionnaires ? Qu’on y réfléchisse bien : il ne s’agit pas de mettre en doute les droits de la société civile, l’autorité du concordat; il s’agit de ne pas appliquer le concordat dans une pensée évidente d’hostilité ou de tracasserie, de ne pas s’en servir sans cesse comme on s’est servi de la loi de 1834 sur l’état des officiers, d’être, en un mot, un gouvernement sérieux, non un pouvoir de parti et de secte.

Ce ne sont là sans doute que des incidens, mais ils font partie d’un système qui semble régner en toute chose aujourd’hui, où de tristes violences de parti se mêlent à beaucoup d’inexpérience et d’incapacité ou de zèle inintelligent. On croit être habile, on ne fait que troubler les idées, affaiblir tous les ressorts publics, discréditer le gouvernement, les institutions. Et avec tout cela où arrive-t-on? Précisément à cet état indéfinissable où tout semble faussé et usé, où le pays se fatigue visiblement d’expériences irritantes et stériles, où les affaires, les intérêts finissent par se ressentir d’une désorganisation croissante. Il n’y a que peu de jours, des négocians parisiens allaient, assez naïvement peut-être, demander à M. le président de la république de vouloir bien rendre la confiance à l’industrie stagnante, au commerce en souffrance, et M. le président de la république demandait, de son côté, tout aussi naïvement, ce qu’il pouvait faire. Il est certain que la confiance tient à bien des causes qui ne sont pas toujours faciles à préciser, qu’elle ne dépend pas absolument de M. le président de la république ni de bien d’autres. On peut du moins s’efforcer de la raviver, la stimuler, la soutenir par une politique mieux faite pour garantir à la France la paix intérieure, la paix civile qu’elle réclame, et pour lui permettre de s’occuper