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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




28 février.

C’est la fatalité des situations fausses de se traîner dans toutes les confusions, à travers des incidens toujours nouveaux, et de n’avoir que de faux dénoûmens. La France d’aujourd’hui en fait plus que jamais la pénible et irritante expérience. Depuis un mois et demi déjà que voyons-nous? On dirait que, dans ce court espace de quelques semaines, l’ironie cruelle des choses s’est plu à réunir tout ce qui peut caractériser une situation faussée, altérée et diminuée : troubles d’esprit, colères aveugles et puériles de partis, défaillances de gouvernement, incohérences parlementaires, agitations dans le vide. Oui, depuis ce jour du mois de janvier où le prince Napoléon a eu la fantaisie singulière de se rappeler à ses contemporains par un manifeste affiché sur les murs de Paris, on dirait que le désordre a envahi toutes les têtes, tous les conseils. Ce qui n’était qu’un assez médiocre incident destiné à être oublié le lendemain est devenu le signal d’une crise indéfinissable, où tous les pouvoirs ont perdu d’un seul coup le peu de sang-froid qu’ils avaient; faute d’un peu de calme et de fermeté, tout s’est rapidement aggravé. On a pu assister à cet imbroglio pour le moins bizarre d’une question des prétendans démesurément grossie par des passions factices, d’un déchaînement provoqué par un acte du prince Napoléon et tourné subitement contre les princes d’Orléans, d’un conflit entre la chambre des députés votant des mesures de proscription et le sénat refusant de ratifier ces mesures, du désarroi de deux cabinets périssant d’impuissance au milieu de toutes ces contradictions et ces confusions. Le résultat a été de laisser la France momentanément sans direction, sans gouvernement dans le feu d’une crise inattendue, sans ministre des affaires étrangères pour veiller à nos intérêts diplomatiques