savait pas se borner, il était prolixe dans le petit. N’importe, cette Giralda, — le second acte particulièrement, — a bien de la grâce et du sentiment ; la mise en scène est, selon la coutume, des plus soignées et son mérite passe peut-être celui de l’exécution. Mlle Merguillier fait une Giralda pleine de gentillesse, mais par trop mignonne, et dont le jeu ainsi que le chant manquent d’autorité ; la voix voudrait être surveillée, car elle vacille, et dame ! on a beau être jeune et gentille, il faut aussi se souvenir que ce joli rôle eut pour interprète primitive une cantatrice qu’on appelait alors la petite Félix-Miolan, comme nous dirions aujourd’hui : la petite Merguillier. Cette Giralda, je vous l’accorde, n’est la plupart du temps qu’une sorte de bavardage mélodique ; dès le commencement de la partie, on s’aperçoit de la tricherie du joueur, mais, au nombre des pièces fausses qu’il emploie, il s’en trouve beaucoup de vraies, et quand celles-là font défaut, vous avez toujours le sentiment qu’il en peut venir d’un moment à l’autre. Allez donc voir Giralda, et je vous réponds que vous passerez une soirée charmante et que, pour peu que votre humeur vous y porte, les réflexions esthétiques n’en seront point exclues. Songez qu’à cette époque, c’était Giralda qui passait pour une opérette et que c’est aujourd’hui le Petit Duc, et le Petit Faust, qui passent pour des opéras comiques, que c’était alors Adolphe Adam et que c’est aujourd’hui M. Lecocq, quand ce n’est pas M. Planquette ou M. Hervé. Nous progressons, je le veux bien, mais dans l’art des diminutifs ; Mme de Sévigné, parlant d’une famille où la race s’amoindrissait, disait que dans trois ou quatre générations, ces gens-là « gauleraient des fraises. » Serait-ce là ce que l’avenir nous réserve en fait d’opéra comique ?
On annonce que M. Lassalle quitte l’Opéra, et ce bruit n’a rien qui doive nous surprendre, étant données les mœurs théâtrales du temps où nous vivons. À l’Opéra, M. Lassalle ne gagne guère qu’une centaine de mille francs par an, une misère, puisqu’il en pourra gagner demain deux ou trois cent mille en parcourant l’Europe et l’Amérique à la tête d’une troupe de pacotille recrutée et manœuvrée au seul et unique point de vue des gros bénéfices. Inutile de se répandre là-dessus en beaux discours et de répéter tout ce qui s’est dit au sujet de Sarah Bernhardt lors de sa rupture avec la Comédie-Française. La dignité professionnelle, la question d’art, l’honneur d’appartenir à des compagnies que nous appelons modestement « les premières du monde : » tout cela n’est que phrases vaines dont personne désormais ne s’embarrasse. Après Christine Nilsson, Sarah Bernhardt, après Capoul, Faure, et maintenant M. Lassalle ; ainsi le veut le système qui nous régit ; les étoiles de théâtre sont faites pour voyager, elles filent au pays de Golconde, où l’or les attire, car il importe avant tout de s’enrichir et de réaliser en dix ans le fameux proverbe des deux cent