Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 56.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chevalier Robert, son rameau magique à la main, s’en allait à la conquête de la princesse Isabelle. — Musicalement, ce second acte me semble loin d’être comparable au premier, bien qu’il renferme une perle des plus rares, sinon la plus rare, que Wagner ait dans son écrin : je veux parler de la scène des fleurs animées. Qu’on se figure un mouvement de valse langoureux et piquant, une mollesse, une morbidesse délicieuse avec des retours passionnés, l’appel du désir tantôt caressant et louvoyant, tantôt accusant d’un trait de feu sa frénésie. Et quelle étonnante simplicité dans l’harmonie, quel art dans le groupement de ces trente voix de femme qui, tour à tour, se séparent, se rassemblent ou s’isolent en légers solos ! Rappelez-vous le chœur des naïades du Rhin dans le Crépuscule des dieux, c’est le même tableau de genre ou, si vous aimez mieux, le même genre de tableau, mais d’un effet peut-être encore plus réussi, et le curieux, c’est de voir qu’il n’est obtenu que par les ressources mélodiques. Cet épisode contient tout l’intérêt musical de l’acte, et le reste n’est que pathos, y compris la grande scène entre Kundry et Parsifal, où les récits et les contorsions se succèdent au milieu d’un inextricable tumulte de phrases stéréotypées qui sont l’ultima ratio de Richard Wagner lorsqu’il a, comme on dit, vidé son sac et ne cherche plus qu’à fournir pâture de discussions aux confesseurs de la doctrine.

Au troisième acte, le mysticisme reprend ses droits. S’il n’était généralement reconnu que sensualisme et ascétisme sont deux pommes du même pommier, ce dernier ouvrage de Wagner tendrait à nous le démontrer : l’antithèse n’y est point seulement d’un acte à l’autre, elle est de scène à scène ; elle est partout. Une sorte de religieuse idylle, amoureusement et beaucoup trop longuement caressée, sert d’introduction. S’il arrive que, dans un musée, on s’attarde volontiers devant un tableau peint de main de maître, au théâtre, c’est de l’action que l’on réclame et non du pittoresque instrumental. La symphonie ayant pris fin : « Qui vient là ? » se demande Gurnemanz, cherchant à percer du regard la silencieuse profondeur du bois. Qui s’approche ainsi de la source sacrée ? L’acteur en scène n’a pas eu le temps de poser sa question que le spectateur est déjà capable d’y répondre, car l’orchestre a causé en lui jouant le motif caractéristique, et, sur le motif de Parsifal, quel autre que Parsifal peut s’avancer ? Ainsi, voilà le motif dirigeant pris en flagrant délit ; vous l’avez inventé, dites-vous, pour accroître l’intensité de la situation, et son moindre tort est de ne pas marcher d’accord avec le drame. Que fait ici la musique ? Elle dénonce tout haut un mouvement que le drame tient encore en suspens ; elle fait que le spectateur est informé de ce qui se passe avant le personnage ; si c’est lace qu’on appelle la vérité du drame lyrique moderne, autant retourner aux ritournelles du vieux temps. Parsifal s’achemine vers la sainte source