Il vient de paraître, à Florence, un volume intitulé : Félix Romani et les Maîtres les plus célèbres de son temps[1]. Comme étude biographique et anecdoiique d’un poète estimable en son genre, les Italiens y trouveront sans doute où se prendre, mais c’est surtout au point de vue de certaines idées générales que le livre mériterait de nous intéresser. Ce Félix Romani fut en effet le librettiste privilégié, le dramaturge à succès de trois ou quatre générations de musiciens illustres, il a composé pour Rossini, pour Bellini, pour Mercadante, pour Donizetti et pour Verdi. Fatemi dei buoni versi ed io vi darò buona musica, lui disait l’harmonieux Bellini, le plus doux, le plus fidèle de ses amis, mais le plus difficile de ses collaborateurs et qui, toujours indécis et mécontent, revenait jusqu’à huit fois sur sa propre inspiration, comme il advint pour l’adagio de la cavatine de Norma, une des merveilles du génie musical. « Donnez-moi de bons vers ; » on en était encore alors à la tradition de Métastase, on voulait des strophes et des rythmes : airs de bravoure, duos, ensembles et finales, tout cela taillé sur le même modèle ; de l’action, de la coordination dramatique et des caractères, nul n’en avait cure ; il s’agissait tout simplement de complaire à la prima donna, de flatter les vœux du ténor et du basso cantante, le reste importait peu : une strette enlevée à souhait, un joli trille placé au bon endroit, des combinaisons vocales sans le moindre rapport avec
- ↑ Felice Romani e i più riputati Maestri di suo tempo, Cenni biografici ed anneddottici ; Firenze, 1882.