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LA
QUESTION DES PRINCES

Rien ne faisait pressentir, il y a deux mois, que nous commencerions si tristement l’année. Certains symptômes favorables semblaient nous promettre des jours heureux et paisibles. On eût dit que la chambre avait fait de sages réflexions, qu’elle était disposée à laisser de côté les débats oiseux, les discussions irritantes, pour prendre à cœur les affaires sérieuses et les vrais intérêts du pays, que son concours était assuré, pour quelque temps du moins, à un ministère honnête, animé d’excellentes intentions. Il a suffi d’un manifeste placardé sur un mur pour mettre à néant toutes nos espérances. Jamais pétard n’a produit de plus funestes effets, et celui qui l’a tiré doit être fier de son œuvre. Adieu la sagesse! les repentirs salutaires! La chambre s’est affolée comme un taureau qui a vu le rouge. On ne s’est plus occupé que de dangers imaginaires, de complots, de conspirations chimériques, de balivernes, de coquecigrues. On n’a plus vu dans ce monde que la question des princes, question capitale, paraît-il, dont hier encore personne ne soupçonnait l’importance. Belle trouvaille, en vérité, et que béni soit l’inventeur! L’Angleterre s’occupe de conquérir l’Egypte, l’Allemagne d’étendre son influence en Orient et d’y ouvrir de nouveaux débouchés à son commerce, l’Italie de prendre pied à Tripoli. Notre partage, à nous, est la question des princes. Quel bel œuf à couver! quel bel emploi du temps pour une assemblée! Hélas!