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LA
CAMPANULE


I.[1]

Figurez-vous un vieux palais, lézardé par les siècles, roussi par le soleil, avec ses innombrables volets de bois vermoulu qui battent au moindre vent. Des touffes embaumées d’herbes parasites jaillissent de la corniche, le rebord de chaque fenêtre est décoré de joubarbes qui fleurissent les fentes du marbre ; çà et là se balance une frange de capucines ; dans la cour, un oranger et deux cactus vivent en bonne harmonie avec un frêne sauvage aux baies écarlates. Tout ceci vous représente la demeure d’une des plus anciennes familles du Tyrol, les Pavis. Elle est située dans une petite ville des Alpes Vénitiennes, à mi-chemin entre l’Italie et l’Allemagne. Ses fenêtres ouvrent sur une piazza verdoyante et déserte où les ânes broutent, où blanchit la toile étendue par les ménagères. Il y a un hôtel sur la piazza et aussi une boutique de chaudronnier d’où partent du matin au soir force coups de marteau avec un fracas monotone. Vis-à-vis se dresse l’église, pauvre et mal tenue, comme le sont la plupart des églises du nord de l’Italie, dont l’air abandonné,

  1. Ce récit est extrait des esquisses de miss Thackeray, la fille du grand romancier, qui est elle-même un écrivain distingué.