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LE
VANDALISME MODERNE
EN ORIENT

La destruction des chefs-d’œuvre de l’antiquité est une longue et douloureuse histoire qui n’a pas encore eu son historien. Peut-être même est-il impossible de l’écrire, vu l’incertitude et la rareté des documens. Aux époques où la barbarie est telle que les hommes détruisent avec l’insouciance des enfans, il ne se trouve pas d’annalistes pour dresser l’inventaire des ruines qu’ils font, l’acte de décès des chefs-d’œuvre qu’ils sacrifient. Pendant les quinze siècles qui nous séparent de la fin des temps antiques, c’est à peine si quelques rares témoignages viennent éclairer l’histoire de l’art sur le destin de ses monumens préférés. Ainsi, pour ne parler que des œuvres de Phidias, nous savons que le Jupiter chryséléphantin d’Olympie fut transporté par Théodose Ier à Constantinople et qu’un incendie l’y détruisit en 475. Mais comment ont péri la Minerve Promachos de l’Acropole, qu’Alaric, au témoignage de Zozime, vit encore debout en 395, et la Minerve chryséléphantine dont une faible copie, retrouvée il y a deux ans sous une rue d’Athènes, a tant passionné les archéologues, et vingt autres ouvrages du grand maître que Pausanias signale dans les différentes villes de la Grèce? Le silence des textes nous oblige malheureusement à laisser ces questions sans réponse. Nous trouverions une consolation aux regrets que leur perte nous inspire si nous pouvions du moins les suivre jusqu’à leurs derniers momens. Mais leur disparition n’a été constatée que bien des siècles après leur ruine, sans qu’il soit même possible, la plupart du temps, de rejeter la faute sur tel barbare plutôt que sur