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M. Drury-Fortnum, en les étudiant de plus près, a montré qu’il n’y en avait qu’un petit nombre qui fussent de fabrication proprement arabe, que la plupart sortaient, d’ateliers plus voisins, qu’il plaçait sur un point encore indéterminé de l’Italie. Après la constatation que j’ai faite à Lucera, et que tout le monde peut y renouveler, c’est en Sicile qu’il faudra, je crois, chercher la situation de cet atelier, dont les produits devaient se répandre par le commerce sur le continent italien.

Les poteries à vernis vert ne sont pas les seules dont on recueille les débris au château de Lucera. D’autres fragmens moins nombreux offrent des ornemens d’une donnée fort simple, tracés en bleu et en rouge sur un fond blanc. Ici, la décoration a été manifestement exécutée au moyen de l’application sur la terre d’un engobe revêtu d’un vernis incolore et translucide au moyen d’un marzacotto plombique. C’est le procédé que Passeri affirme avoir été mis en œuvre à Pesaro à partir des environs de l’an 1300. Naturalisé d’abord à Lucera par les colons arabes, il avait ainsi mis un peu plus d’un demi-siècle à se transmettre de proche en proche jusque dans les Marches. M. Barnabei a recueilli dans l’Abruzze, son pays natal, dans des sépultures qui ne peuvent pas descendre plus bas que la fin du XIIIe siècle, des poteries exactement conformes aux deux classes de celles dont on recueille les tessons au château de Lucera. Il en fera bientôt l’objet d’une publication. Ces sépultures de l’Abruzze fournissent un chaînon géographiquement intermédiaire entre Lucera. et Pesaro, et nous parvenons ainsi à suivre dans le temps et dans l’espace la marche de l’industrie des terres vernissées, originaire de l’Orient, établie d’abord en Sicile lors de la conquête arabe, transplantée dans le nord de la Pouille au XIIIe siècle avec les derniers restes des musulmans sicilien, enfin se propageant de là en suivant le littoral de l’Adriatique jusqu’à Pesaro et aux villes voisines, où elle se développa surtout à partir du moment où l’anéantissement des Sarrasins de Lucera eut enlevé aux potiers des Marches leurs plus redoutables concurrens, ceux qui avaient été leurs maîtres.

Entre la forteresse et la ville elle-même s’étend une vaste esplanade entièrement découverte, où fait défaut toute construction du moyen âge. Ce terrain était compris dans la ville antique, et le sol y est jonché de fragmens d’anciennes poteries où le travail de la charrue, retournant chaque année la terre, a fini par confondre pêle-mêle les reliques de tous les siècles de l’antiquité. La terre rouge arrétine à reliefs sigillés représente là le dernier siècle de la république romaine et les débuts de l’empire; les poteries étrusco-campaniennes à reliefs et à glaçure notre une période antérieure, L’existence de La colonie romaine de Luceria des guerres puniques aux