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centre d’un petit dôme fermé qui rappelle celui des turbeh musulmans et où l’influence arabe me paraît manifeste. Aux flancs des façades s’appliquent des demi-colonnes engagées, aux chapiteaux à feuillages d’un beau galbe et d’une exécution précieuse, supportant de riches arcatures dont le dessin rappelle de très près celles qui décorent les manuscrits byzantins; et dans la partie inférieure du champ qu’enferme chacune de ces arcatures se creusent des panneaux en losange remplis par les entrelacs géométriques en relief à la combinaison desquels se sont complu les décorateurs arabes. Le portail qui donne accès à l’église est d’une grande magnificence, avec son tympan garni d’un bas-relief et ses deux colonnes de marbre, reposant sur des lions couchés. Le monument est sans contredit un des plus remarquables spécimens de cette architecture, participant à la fois du byzantin et de l’arabe, qui régnait dans la Fouille avant que la conquête normande y eût introduit les influences françaises. Un semblable style, auquel se rattachent aussi la cathédrale de Canossa et le mausolée de Bohémond, qui y est adjacent, ainsi que certaines parties de la cathédrale de Bari, ne s’est maintenu à côté des données architecturales nouvelles, directement importées de Normandie et tendant de jour en jour à le supplanter, que jusqu’aux premières années du XIIe siècle. Aussi n’est-on pas surpris d’apprendre que l’église que je viens d’essayer de décrire fut consacrée en 1117 par le pape Pascal II, qui y vint de Bénévent, où il tenait alors un concile. Elle avait été certainement commencée, et les plans arrêtés dans le XIe siècle.

Cette curieuse église, autour de laquelle on remarque quelques débris d’un temple antique, porte le nom de Santa-Maria-Maggiore di Siponto et a le titre de cathédrale. Elle marque l’emplacement de la ville antique de Sipontum. Prise par Alexandre le Molosse, roi d’Epire (en 530 avant Jésus-Christ), colonie de citoyens romains en 194, assiégée par Marc Antoine en 40, lors des guerres civiles, Sipontum est décrite par Paul Diacre, au VIIIe siècle de notre ère, comme étant encore de son temps satis opulentum. Cent cinquante ans plus tard, Constantin Porphyrogénète la mentionne parmi les villes de la partie de l’Italie dépendant de l’empire de Constantinople. Mais il semble qu’elle commençait dès lors à tomber en décadence. L’envasement progressif de la lagune du Pantano, accessible aux vaisseaux dans l’antiquité, tendait à rendre impraticable son port, jadis théâtre d’un mouvement fort actif, et développait les exhalaisons marécageuses qui engendrent la malaria, fléau de tout le district environnant. Cependant il s’y maintenait encore une certaine population, et le port continuait à être le seul qui desservît la Capitanate. C’est encore là qu’en 1177 le pape Alexandre III s’embarqua