Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 56.djvu/109

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des rues plus larges, mais sans pavé, dont la moindre pluie fait des marécages; les porcs y sont moins nombreux, mais elle n’est pas, malgré cela, beaucoup moins sale. Il faut être bien pressé par la faim pour se décider à manger dans l’unique hôtel qu’on y rencontre. Quant à y coucher, si j’étais jamais condamné à passer une nuit à Termoli, j’aimerais cent fois mieux aller dormir en plein air dans les champs, au risque d’y attraper la fièvre. Pourtant, me dit-on, il vient ici, dans la belle saison, plusieurs centaines de familles pour prendre les bains de mer. C’est des Abruzzes que descendent ces baigneurs; dans quelles conditions vivent-ils chez eux pour trouver de l’agrément à une villégiature dans cet endroit sordide?

Quelque répugnant que soit Termoli, c’est un lieu qui vaut un arrêt du voyageur. La situation de la vieille ville sur un rocher qui s’avance au milieu des flots, les surplombant à pic à une grande hauteur, est des plus pittoresques. On a, de là, une vue superbe, d’un côté sur l’âpre chaîne des Apennins de l’Abruzze, dominée par le sommet de la Majella; de l’autre, sur la mer, où l’on aperçoit, à 40 kilomètres au nord-est, les îles Tremiti, les Insulœ Diomedeœ de la géographie classique, qui possédaient, dit-on, le tombeau de Diomède, tandis qu’au sud l’horizon est fermé par le mont Gargano, qui forme ici l’éperon de la botte de l’Italie. Mais surtout Termoli offre à l’archéologue une cathédrale dont la façade, des premières années du XIIe siècle, a de la saveur et de l’intérêt. L’exécution en est sauvage, les sculptures barbares, mais le parti général est d’un accent puissant et grandiose, et l’ensemble a de la tournure et du caractère. L’influence du roman français, et spécialement bourguignon, y est empreinte d’une façon fort remarquable. Nous retrouvons là ces pilastres carrés supportant des arcatures engagées, dont l’imitation de l’attique du monument romain connu sous le nom de « porte d’Arroux, » à Autun, a fait un des motifs favoris des architectes de la Bourgogne aux XIe et XIIe siècles. Pourtant une inscription donne pour auteur à la façade de la cathédrale de Termoli un nommé Johannes Grimaldi, nom italien et peut-être génois. Elle lui assigne aussi pour date le pontificat, du pape Pascal II.

A 25 kilomètres au-delà de Termoli, le chemin de fer franchit le Fortore. On entre dans l’ancienne Apulie, dans la partie qui était, avant la conquête romaine, le pays des Dauniens, au moyen âge la Capitanate, aujourd’hui la province de Foggia. On traverse Ripalta, qui vit en 1054 les Normands se jeter aux pieds du pape Léon IX, qu’ils venaient de combattre et de faire prisonnier, pour lui demander sa bénédiction, mais en même temps ne le relâcher qu’après