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crise immédiate dans le ministère, d’un conflit éventuel ou possible entre les deux chambres. Que s’était-il donc passé de si grave, de si décisif dans l’intervalle ? Le prince Napoléon avait publié ce fameux manifeste qui n’a eu que l’importance qu’on lui a donnée par tout le bruit qu’on a fait autour de lui, et, chose bizarre ! parce que le prince Napoléon avait publié un manifeste, il y avait évidemment urgence à prendre des mesures contre d’autres princes étrangers à toute agitation, attachés à leur service comme officiers ou à leurs études ! La logique radicale le voulait ainsi. Il y a eu aussitôt tous ces projets qui sont nés presque en même temps, qui ont été discutés d’abord dans la chambre des députés : proposition Floquet décrétant la proscription sommaire, — projet ministériel donnant au gouvernement le droit d’expulser les princes et de les éliminer par subterfuge de l’armée, — proposition Fabre combinant, sous prétexte de transaction, l’exclusion de l’armée, l’expulsion discrétionnaire et la résidence autorisée sous la surveillance de la police. Vainement, des hommes comme M. Léon Renault, M. Ribot, se sont efforcés de montrer ce qu’il y avait d’inutilement violent, de dangereux pour la république elle-même dans cette résurrection de lois de sûreté générale et d’exception contre des princes déclarés suspects non pour leurs actions, mais pour leur naissance, pour leur nom historique. La majorité était faite d’avance au Palais-Bourbon ; elle s’est prononcée fiévreusement dans une séance de nuit pour la proposition Fabre. C’était la première étape de la nouvelle loi de sûreté générale !

La question était de savoir comment cette loi allait être accueillie au Luxembourg, où les dispositions semblaient toutes différentes, même parmi les républicains qui forment la majorité du sénat. Le fait est qu’il y avait dès le premier instant au Luxembourg un sentiment, sinon universel, du moins à peu près général, contre toute mesure d’exception, et ce sentiment s’est traduit avec une sorte d’énergie par le choix de la commission qui a élu M. Allou pour rapporteur en lui donnant la mission de proposer le rejet pur et simple de la loi votée au Palais-Bourbon. C’est dans ces conditions que le débat public s’est ouvert, et ce qu’il a eu de caractéristique, c’est qu’il est resté circonscrit entre républicains. La droite est restée silencieuse, s’abstenant même de toute interruption. Ce sont des sénateurs républicains comme M. Allou, M. Barthélémy Saint-Hilaire, M. l’amiral Jauréguiberry, M. Bardoux, qui se sont faits avec autant de fermeté que d’éloquence les défenseurs de toutes les garanties libérales. Évidemment toutes les chances étaient encore pour le rejet de la loi proposée par la commission, lorsqu’un incident imprévu est venu tout changer encore une fois. Le prince Napoléon a décidément depuis quelque temps un rôle inattendu dans toutes nos péripéties. Il y a un mois, par son manifeste il se faisait arrêter et il provoquait toute cette effervescence parlementaire dont la