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que nous impose leur installation, elles auront pendant de longues années compromis l’équilibre financier et détourné d’emplois plus utiles le capital et les revenus du trésor. Dans toute cette affaire, c’est la mesure qui fait défaut, et la mesure, quant au chiffre et à la répartition des dépenses publiques, doit être, en matière économique et financière, la qualité maîtresse d’un sage gouvernement. Il est évident que les travaux engagés et prévus ne sont pas en proportion avec leur utilité immédiate ou prochaine, ni avec les ressources du budget et du crédit. Les ministres des finances en sont déjà aux expédiens. Il faudra réviser les programmes, allonger les délais d’exécution et, même pour l’achèvement de ce qui est commencé, recourir à l’intervention, écartée jusqu’ici, de l’industrie privée : il faudra, en un mot, en revenir au système des compagnies. Cette extrémité peut sembler dure non-seulement aux doctrinaires qui prêchent l’universelle prépotence de l’état, mais encore aux esprits moins absolus qui demandent la réforme plutôt que la destruction du régime appliqué depuis près de trente ans à l’organisation de nos voies ferrées. Il n’y a pas cependant d’autre moyen pour décharger l’état du faix qui déjà l’accable, pour attirer les milliards nécessaires à l’exécution du troisième réseau, pour coordonner l’exploitation des nouvelles lignes avec celle des lignes existantes, pour rendre plus productives, ou moins improductives, les dépenses que le trésor serait, à lui seul, incapable de supporter. Nous sommes ainsi amené à examiner de nouveau cette grave question des concessions et de l’exploitation qui contient la véritable solution des difficultés créées par les engagemens téméraires du gouvernement et des chambres.


II

Il y a deux ans, le rachat des chemins de fer était à l’ordre du jour des discussions du parlement et de la presse. L’opération paraissait toute simple. L’état se substituait aux compagnies existantes en payant le prix stipulé, au moyen d’annuités et de titres de rente amortissable. Ces nouveaux titres n’avaient-ils pas été inventés pour remplacer les obligations ? — L’état construisait avec ses capitaux, c’est-à-dire avec l’emprunt, l’ensemble des lignes classées dans le plan de M. de Freycinet. — Devenu propriétaire de tous les réseaux, l’état devait organiser les tarifs de transports, non plus pour servir des intérêts et des dividendes aux capitaux fournis par des actionnaires, mais uniquement pour donner satisfaction aux besoins de l’industrie et du commerce, aux convenances des voyageurs. —