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contre le ministère qui aurait l’audace de commettre un tel attentat ! C’est à la fermeté du gouvernement et au bon sens de la majorité dans les chambres qu’il appartient de dominer ces clameurs intéressées. La situation financière ne permettrait pas, d’ailleurs, d’entreprendre tout ce qui a été promis, et les électeurs, comme les députés, devront se persuader qu’il vaut mieux posséder à bref délai un chemin de fer à voie étroite, ou même un simple tramway, que d’attendre indéfiniment l’exécution des anciens projets. S’il est impossible, nous le reconnaissons, de suspendre les travaux commencés et s’il faut, par conséquent, aller jusqu’au bout des dépenses engagées sur les lignes qui sont en cours de construction, il devient nécessaire de réfléchir sérieusement avant d’ouvrir un nouveau compte pour lequel les ressources du trésor font absolument défaut.

En effet, il restera à dépenser près de 4 milliards pour les chemins de fer compris dans les plans de M. de Freycinet et 2 milliards environ pour les travaux de navigation. Dans le système, c’est par l’émission de la rente 3 pour 100 amortissable que le trésor doit successivement pourvoir à ces dépenses. Or le dernier emprunt d’un milliard n’est pas encore classé, de telle sorte qu’il serait imprudent d’émettre, quant à présent, un autre emprunt de même nature, et il faut, dès maintenant, recourir à des expédiens pour battre monnaie. La consolidation des fonds provenant des caisses d’épargne n’est qu’un expédient, et un expédient qui pourrait, à un moment donné, créer de périlleux embarras. Expédient encore la combinaison qui avait été proposée par M. Léon Say, et qui consistait à recouvrer prématurément des compagnies de chemins de fer les sommes qui leur ont été prêtées sous l’orme de garantie d’intérêt. Quant à l’imputation des dépenses sur la dette flottante, c’est une procédure assurément très simple, mais elle ne peut être que provisoire et d’un effet très limité. L’imagination des financiers a épuisé tous les moyens pour fournir le capital nécessaire au début de la grande entreprise, et l’on est à peine arrivé au tiers du travail. Il est impossible désormais de recueillir le supplément de capital autrement que par l’émission de nouveaux emprunts, et, si l’on veut tenir tous les engagemens qui ont été pris, tant pour les chemins de fer que pour les canaux, les ponts, les écoles, les lycées, les chemins vicinaux, etc., si l’on ne modifie pas certaines parties de ces vastes plans, si l’on n’allonge pas les délais d’exécution et si on laisse à l’état seul le soin de pourvoira toutes ces dépenses, le budget extraordinaire s’élèvera, pendant une dizaine d’années, à 7 ou 800 millions, c’est-à-dire qu’il faudra chaque année demander pareille somme à