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tort de laisser aller les choses de telle sorte que l’on ne sait plus comment modérer les travaux, ni comment se procurer les milliards.

Modérer les travaux ! cela n’est point possible pour le moment. Il faut terminer au plus vite les lignes commencées. La seule résolution qui soit pratique, c’est de ne plus entreprendre la construction de lignes nouvelles avant que le gouvernement et le parlement aient tranché les difficultés financières et se soient prononcés sur le système de l’exploitation. Le ministre des travaux publics a bien voulu annoncer que tel était son ferme désir. On comprend toutefois que cette règle de conduite ne saurait être observée d’une manière absolue. Telle ligne, aujourd’hui commencée, n’aura de valeur que par sa liaison et son croisement avec une autre ligne, pour laquelle les études ne sont pas encore achevées ; il serait donc nuisible, à tous égards, de retarder les travaux sur cette dernière ligne, qui peut être nécessaire pour la bonne exploitation d’un groupe du réseau. Telle autre ligne, relativement importante, n’est point commencée, soit parce que les études ont exigé un plus long délai, soit parce qu’elle a été recommandée moins efficacement ou trop tard à la faveur ministérielle. Serait-il juste qu’elle fût sacrifiée ? Vainement on voudrait enrayer ; le train, lancé imprudemment à toute vapeur, doit fournir une longue course avant d’arriver au temps d’arrêt.

Il ne serait pas impossible, cependant, de reprendre les études pour la portion du troisième réseau qui n’est pas encore entamée, c’est-à-dire pour 8,000 kilomètres environ, et de modifier les plans primitifs, soit par l’adoption de lignes à voie étroite, soit même par l’installation de simples tramways. Un grand nombre des lignes projetées desservent des parcours qui n’auront pendant de longues années qu’un trafic tout à fait insuffisant, en voyageurs et en marchandises. Sauf pour celles qui dépendent du système stratégique, la voie large, les pentes trop limitées, les courbes à grands rayons entraînent des dépenses inutiles et ruineuses. Il n’est pas téméraire d’affirmer que le quart au moins des 8,000 kilomètres, pour lesquels les travaux ne sont pas commencés, pourrait être construit à voie étroite. Il en résulterait non pas seulement une économie de plus de 200 millions sur le capital de premier établissement, mais encore une diminution très sensible de la dépense d’intérêts qu’il faudra inscrire dans le compte annuel d’exploitation des nouvelles lignes. Il est clair que les députés et les sénateurs des départemens où l’on proposera de substituer la voie étroite à la voie large pour ces tronçons qui, dans l’ensemble du réseau, n’ont qu’une importance infinitésimale, il est clair que ces sénateurs et députés jetteront les hauts cris et se révolteront avec éclat et avec menaces