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pointes et d’aspérités, il a encore deux énormes pinces qui lui servent aussi bien pour se défendre contre les attaques que pour attaquer à son tour. De plus, par un instinct irrésistible, il est porté, dès qu’un danger le menace, à se blottir dans les trous et à se cacher dans les fentes. Et alors, il faut le mettre en pièces plutôt que de le décider à sortir de cet abri que son instinct lui dit être assuré. Rien n’est plus comique que de voir de tout petits crabes minuscules faire déjà comme leurs parens, courir obliquement sur le sable pour se cacher dans de tout petits trous en portant en avant leurs deux petites pinces. Voici aussi des annélides qui, au moindre bruit, s’enfoncent dans le sable mouvant, où elles deviennent invisibles et imprenables. Voici des coralliaires, étroitement enfermés dans leur magnifique paroi de corail, si résistante qu’on ne saurait guère dire si ce sont des animaux ou des pierres. Voici des poissons qui nagent avec une rapidité extrême, de manière à être presque insaisissables. Et parmi ces poissons, quelle diversité dans la résistance ! Les uns ont une peau écailleuse que les instrumens, même très acérés, entamant difficilement ; d’autres dégagent de l’électricité qui terrifie tout ce qui approche ; d’autres sont venimeux ; d’autres rampent sur le sol, et par leurs formes, comme par leurs couleurs, se confondent absolument avec les objets qui les entourent. Le poulpe est certainement un des animaux les mieux armés pour la lutte, il a de longs tentacules qui se portent au loin pour attirer les proies vivantes et les paralyser par une sorte de poison. Comme il n’a pas de carapace, mais une peau molle peu résistante, il échappe à ses ennemis par un artifice. Il verse un nuage d’encre, et peut ainsi, à la faveur de cette obscurité, se soustraire à toute poursuite.

Tous ces êtres, crustacés, mollusques, poissons, cherchent à se dévorer mutuellement. Tous ont faim et sont poussés par la faim à livrer incessamment combat. Ceux qui, au milieu de ce conflit perpétuel, seraient dépourvus de puissans moyens d’attaque ou de puissans moyens de défense, seraient bientôt anéantis, eux et leur espèce, par de plus forts, tout aussi voraces qu’eux.

A quelques pas du rivage, entrons dans la forêt. Nous, verrons les mêmes harmonies se manifester chez les êtres terrestres que chez les êtres marins. Les araignées, pour atteindre les proies ailées, savent tisser des toiles. Quelques-unes sont armées d’un venin délétère ou possèdent des mandibules puissantes. Toutes savent se cacher dans les troncs d’arbres ou sous les feuilles, de manière à dissimuler complètement leur présence. Les coléoptères sont pourvus d’une carapace résistante, et volent très rapidement. Les papillons, dont les brillantes couleurs attirent de loin la vue des oiseaux, leurs voraces ennemis, se dérobent aux poursuites par un vol