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la sensitive, la faculté de se soustraire par un brusque mouvement aux injures extérieures.

On a dit que la matière verte qui colore les feuilles est particulière au règne végétal ; cependant quelques plantes sont dépourvues de chlorophylle, comme les champignons, tandis que certains animaux possèdent, aussi bien que la généralité des plantes, une coloration verte due à cette même substance chimique. Les microbes universellement disséminés dans la nature, sur lesquels les mémorables découvertes de M. Pasteur ont fait connaître tant de détails importans et qu’il a démontré être un des facteurs les plus importans de l’évolution des animaux supérieurs, ces microbes, dis-je, sont probablement des végétaux. Mais il a fallu de longs efforts pour établir cette opinion. Pendant longtemps on a cru que les microbes étaient des animaux, et l’erreur était bien permise ; car les microbes sont très mobiles et paraissent sensibles. Si l’on cherche un signe précis qui sépare l’animal du végétal, on ne le trouve pas. Il n’est pas de caractère différentiel absolu entre l’animal et le végétal.

Ainsi, d’une part, l’homme et les animaux sont reliés par une chaîne sans fin ; d’autre part, il n’est pas de limite qui sépare le règne animal du règne végétal. Plus on étudie la nature, plus on trouve d’analogies entre les êtres vivans. Tous, quels qu’ils soient, par cela seul qu’ils sont vivans, sont doués de propriétés très semblables, et, si, pour le vulgaire, la distinction est nette, pour le savant qui veut approfondir les faits, cette distinction n’existe pas. Toutes les tentatives faites pour séparer l’homme des animaux ont été jusqu’ici infructueuses. A ceux qui oseraient soutenir ce paradoxe que l’homme est un être à part, une sorte de demi-dieu, différent des animaux qui l’entourent, à ceux-là on pourrait rappeler le mot de cet empereur romain qu’on adorait à l’égal d’une divinité et qui raillait ; ses adorateurs : Les miens serviteurs, disait-il, qui visitent ma garde-robe, savent bien que je ne suis pas un dieu. Il est impossible de supposer que l’homme vit autrement que les autres êtres vivans. Le sang circule de la même manière : l’air est respiré dans les mêmes proportions et par le même mécanisme. Les alimens sont de même nature, et ils sont transformés dans les mêmes viscères par les mêmes opérations chimiques.

Les parasites qui vivent dans l’intestin ou dans le sang des animaux peuvent se transmettre à l’homme et vivre tout aussi bien dans l’estomac ou le sang de celui-ci. Ce qui est mortel pour un animal est mortel pour l’homme, et réciproquement. Le curare, la strychnine, l’arsenic, le chloroforme, l’oxyde de carbone, tous les poisons de l’animal sont aussi poisons pour l’homme. Pour vivre il nous faut, comme à eux, de l’air et des alimens. L’homme meurt d’asphyxie ou d’inanition tout à fait comme peuvent mourir d’asphyxie