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de la théologie catholique. Toute question de doctrine mise à part et sans vouloir préjuger en rien la valeur absolue du catholicisme, il n’en est pas moins vrai qu’il est très supérieur, comme agent de civilisation, non-seulement au fétichisme des sauvages, mais encore à l’islamisme des Orientaux. Sa morale est d’une pureté parfaite, et ses dogmes n’ont pas empêché le développement des nations chrétiennes. Si dégagé d’idées religieuses qu’il soit, un gouvernement peut donc sans trahir ses origines travailler à l’expansion du catholicisme dans les pays où il constituerait un progrès notable sur l’état existant. Essayer d’y implanter du premier coup notre esprit scientifique et le scepticisme qui en découle serait la plus étrange utopie. Que l’on considère, si l’on veut, le christianisme comme un échelon conduisant à une forme supérieure de connaissances et d’organisation sociale, encore est-ce un échelon par lequel il faut passer. Son œuvre intellectuelle et charitable n’est pas achevée dans le monde. Ceux qui répugnent à s’adresser aux missions peuvent se dire, pour se consoler, que leur action ne sera pas éternelle ; que, si la religion élève les sociétés naissantes, les sociétés déjà mûres, comme les nôtres, ne sont pas liées par la reconnaissance et savent se débarrasser de son influence ; qu’elle travaille sans le savoir, et surtout sans le vouloir, à l’émancipation de l’humanité ; que lorsque le globe entier sera conquis, assaini, instruit, civilisé, lorsque tous les fleuves seront ouverts à la navigation, toutes les vallées traversées par des routes ou des chemins de fer, tous les marais pestilentiels desséchés, toutes les forêts vierges éclair des, tous les esprits initiés aux sciences et aux arts, — l’homme, fier de ses triomphes, n’aura plus besoin de chercher en dehors de lui de secours surnaturels. Ils peuvent se dire que le scepticisme qui domine parmi nous l’emportera alors partout ; qu’en préparant l’avenir, les missions religieuses jouent un rôle de dupe et conspirent contre leur propre idéal. Mais il est à souhaiter que cette vue philosophique leur donne le courage et le bon sens de ne pas briser, de perfectionner au contraire un admirable instrument politique dont, pour le moment, nous ne saurions nous passer.


III

Si j’ai réussi à montrer l’utilité des missions catholiques, — et je crois l’avoir fait, — il me reste encore à résoudre quelques objections adressées au protectorat français. Comme le remarque Francis Garnier dans le long passage que j’ai cité tout à l’heure, les congrégations ne sont pas uniquement composées de Français, et l’on