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ce qui est un grand avantage. — Est-ce bien certain ? Beaucoup de personnes pensent le contraire. Je citerai encore l’autorité de Francis Garnier, qui croyait que, si nous venions à abandonner le protectorat en Chine, l’Angleterre s’empresserait de recueillir notre héritage, le trouvant à bien des égards supérieur au sien. « La protection des catholiques chinois deviendrait, disait il, un des élémens de sa politique. Les avances faites par ses agens, à plusieurs reprises, aux missions du Thibet et de la Chine occidentale témoignent du prix qu’elle attache à leur concours. Ses voyageurs aiment à se prévaloir de l’appui et des renseignemens de nos missionnaires. Les missions protestantes, moins unies, plus nouvelles, manquent de cet ensemble dans les desseins et dans l’action qui impressionne les foules. Leurs membres sont moins absolument consacrés à une œuvre que le dévoûment des prêtres catholiques accepte sans esprit de retour. Pour ceux-ci, point d’intérêts matériels qui les ramènent en arrière, pas de préoccupations de famille, pas d’hésitation dans le but à poursuivre. Si, au point de vue scientifique, la part des missionnaires protestans, dans le travail de régénération de la Chine est important, l’action exercée par eux sur les populations indigènes reste toute personnelle et passagère, et ne saurait prétendre aux résultats de cette immense et permanente machine de guerre organisée par la papauté « pour la propagation de la foi[1]. »

Soit ! dit-on encore ; mais il n’en reste pas moins vrai que les jésuites et les autres membres des congrégations, même s’ils sont Français, se montrent des ennemis acharnés de nos institutions, de nos libertés, de notre gouvernement. Soldats de la foi, instrumens du pape, ils ne songent qu’à l’église, jamais à la France. Ils se servent de l’influence française quand ils le peuvent, mais ils ne la servent pas. — Ceci est tout simplement une odieuse calomnie contre laquelle proteste le témoignage unanime de ceux qui font de la politique extérieure ailleurs que dans l’enceinte de la chambre des députés ou dans les bureaux d’un journal. « Les missions catholiques, » disait récemment un marin qui n’est pas non plus un inconnu pour les lecteurs de la Revue, le contre-amiral Aube, « les missions catholiques sont essentiellement françaises ; c’est que, pour les missionnaires comme pour les populations qu’ils dirigent, la France est toujours le représentant avoué du catholicisme, la plus puissante et la plus complète expression de son génie, et que, si nous savons bien que ce sont là des illusions dont notre esprit critique a fait depuis longtemps justice, ces illusions, si touchantes d’ailleurs dans ces exilés volontaires, sont des réalités, des forces vives, toujours actives, qui

  1. De Paris au Thibet, p. 392.