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nous fait de l’impopularité des missionnaires. Presque partout, au contraire, ils sont profondément aimés, non sans doute pour la foi qu’ils enseignent, laquelle fait peu de prosélytes, mais pour les services qu’ils rendent, lesquels sont singulièrement appréciés. J’ai visité la plus grande partie de l’Orient méditerranéen et je puis affirmer que les missions catholiques y sont entourées des plus ardentes sympathies. J’ai vu des moines circuler dans des villes purement musulmanes au milieu d’un respect universel ; chacun se levait pour les saluer ; quelques personnes venaient baiser leurs mains ou le pan de leur robe. C’est que les congrégations d’Orient ne se contentent pas. de prêcher le christianisme ; elles ont des écoles où les enfans de toutes les religions reçoivent l’instruction avec une tolérance exemplaire ; elles ont de plus des hôpitaux où tous ceux qui se présentent sont examinés, soignés, reçoivent des remèdes gratuitement, pour le seul amour de Dieu. Il m’est arrivé de rencontrer à Tripoli un riche négociant musulman de Ghadamès qui me racontait avec douleur le départ de la mission catholique après le massacre de missionnaires dont je viens de parler. « Il n’y a plus personne, me disait-il, pour recueillir nos malades et pour donner du pain à nos pauvres ! » J’en demande pardon à nos libres penseurs, mais lorsqu’ils refusent, par le plus sot des fanatismes, le fanatisme antireligieux, d’accorder à nos missionnaires des réductions de tarifs sur les paquebots subventionnés ; lorsqu’ils invitent avec une solennité assez risible le gouvernement à ne pas introduire officiellement les missions catholiques au Congo, à ne pas les présenter au nom de la France à notre nouvel allié le roi Makoko, ils montrent sans doute qu’ils sont de grands philosophes, fort à l’abri des préjugés religieux, mais ils montrent aussi qu’ils ne connaissent rien du monde et qu’ils ignorent absolument ce qui se passe en dehors de l’enceinte des commissions et de la salle des délibérations publiques, où bientôt ils ressembleront plutôt à un concile d’incrédules qu’aux représentans d’un grand peuple uniquement occupé de développer ses intérêts.

Le phénomène que j’ai toujours remarqué dans l’Orient méditerranéen, un observateur d’une impartialité incontestable et d’un mérite non moins certain, Francis Garnier, l’a constaté également dans cet extrême Orient qui est presque pour nous un autre monde. « Les excès de zèle dont se sont rendus coupables en Chine les missionnaires catholiques, dit-il, ont été habilement résumés, exploités et travestis dans un document rédigé par le gouvernement chinois, à la suite du massacre de Tien-Tsin. Le fait le plus grave reproché par le memorandum aux missions catholiques, c’est la conversion au christianisme d’une bande de voleurs, qui aurait pu, grâce au baptême, échapper à un châtiment légal et mérité. Il va