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On ne veut pas voir qu’au lieu de témoigner de la force et de servir la république, on la diminue devant le pays et devant l’Europe par des actes qui ne sont que la démonstration incohérente d’une faiblesse agitée, qui vont réveiller partout les doutes et les incertitudes, Tous les régimes ont fait ainsi et ont eu leurs lois d’exil, répète-t-on sans cesse. Ils l’ont fait, c’est bien possible, c’est même certain, et ils n’ont pas été mieux garantis, à ce qu’il semble. Ils n’ont pas moins péri, parce que pour tous les régimes, quels qu’ils soient, monarchies et républiques, le plus grand péril n’est pas dans des conspirations toujours assez factices, dans des prétentions princières qui n’ont pas par elles-mêmes la puissance de soulever, d’entraîner l’opinion ; il est dans le mal que ces régimes se font à eux-mêmes par leurs fautes, par leurs passions, par leurs violences, par les incohérences qu’ils accumulent jusqu’au jour où ils ne savent plus comment en sortir.

Évidemment c’est là la vérité vraie aujourd’hui. Il faut « défendre la république, non par des expulsions, mais par de la bonne politique, » disait tout récemment avec une certaine naïveté M. le ministre de l’intérieur, Rien certes de plus juste, et c’est précisément parce que depuis assez longtemps on a dévié de cette « bonne politique, » non parce qu’il y a des complots et des prétentions princières, qu’on est venu par degrés à cette situation singulièrement critique, où l’on se débat à l’heure qu’il est. Lorsqu’il y a quelques années de cela, avec l’avènement de M. le président Grévy la république passait définitivement aux mains de ceux qui se décernaient complaisamment à eux-mêmes le titre de vrais républicains, de républicains purs et privilégiés, rien n’était encore compromis. La république avait pour elle, outre l’impossibilité de tout autre régime, la popularité dans le pays, l’adhésion du suffrage universel, une prospérité matérielle évidente, un certain mouvement de confiance publique. On n’en est plus tout à fait là, il faut en convenir, et si tout est assez tristement changé, à qui la faute si ce n’est à ceux qui ont cru pouvoir impunément abuser de l’autorité publique qu’ils venaient de conquérir pour satisfaire leurs passions et leurs préjugés de parti, pour jeter le trouble dans les croyances et dans les intérêts comme dans toutes les institutions par une politique agitatrice et dissolvante ? Les adversaires du régime nouveau n’y sont manifestement pour rien.

La situation financière, telle que la trouvaient, il y a quelques années, les ministres républicains, était assurément florissante, et elle pouvait garder longtemps sa puissance, à la condition d’être prudemment ménagée. Elle n’a plus au même degré cette puissance, cela est certain, — et si, au lieu des ménagemens nécessaires, il y a eu de l’imprévoyance ; dans l’administration de la fortune publique ; s’il y a eu des dépenses follement engagées, des abus de crédit pour des travaux démesurés, et le résultat de cette étrange politique a été un embarras