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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 janvier.

Qui aurait dit, il y a quelques semaines, an seuil de cette année inaugurée par les deuils et les émotions, que tout allait se précipiter si étrangement, que l’esprit de violence et de vertige allait si promptement se déchaîner dans les affaires de la France ? C’est pourtant ce qui arrive, et ces morts, autour desquelles on a fait un moment tant de bruit, semblent en vérité n’avoir été que la préface d’une vaste confusion publique. À peine le parlement s’est-il rouvert sous l’impression encore vive de cette disparition imprévue de quelques hommes, la crise la plus bizarre a éclaté. Elle a commencé par la publication inattendue d’un manifeste bonapartiste et par l’arrestation du prince Napoléon ; elle a continué par des paniques de parlement et de gouvernement, par la proposition effarée de mesures d’exception étendues à tous les princes des anciennes familles régnantes, par une sorte d’obscurcissement universel de tout sens politique, même du sens commun dans les régions officielles ? elle finira maintenant comme elle pourra, elle n’est pas au bout. Ce qu’il y a de clair et de certain dans cette crise indéfinissable qui se déroule depuis quelques jours, c’est que tout le monde a visiblement perdu la tête. On est à la merci des incidens qui échappent à toute prévision, des passions aveugles auxquelles on n’ose pas résister, des partis extrêmes avec lesquels on craindrait de rompre. On ne sait plus ce qu’on fait ni où l’on va, et au spectacle décourageant de ces confusions, de cette déraison présidant aux affaires publiques, de ces effaremens dans la chambre des députés, dans les conseils, le premier mouvement de ceux qui réfléchissent un peu ou même