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actuellement la reproduction du dépôt légal et qui présente l’image de ses lacunes.

Dans d’autres pays, la formation des collections publiques a donné lieu à des difficultés du même genre. J’interrogeais, il y a quelques mois à Londres, un des chefs du British Museum : « Les libraires anglais, me dit-il, sont tenus de nous envoyer les livres qu’ils publient sous certains sanctions pénales. A Londres, le commerce de la librairie est concentré en un petit nombre de mains ; les choses se passent assez régulièrement. Dans le reste de l’Angleterre et dans nos colonies, le service fonctionne mal et il nous faut adresser de fréquentes réclamations. Ah ! notre service du dépôt ne vaut pas le vôtre. En France, vous avez une admirable centralisation qui rend tout facile : vos préfets, vos sous-préfets sont, dans les moindres villes, les pourvoyeurs éclairés, minutieux et vigilans de la Bibliothèque. » Je respectai les illusions de mon interlocuteur ; j’avais mieux à faire que d’étaler nos misères ; je voulais connaître le système adopté en Angleterre. Évidemment, le dépôt légal ne se bornait pas à un seul exemplaire, remis au British Muséum. En effet, l’éditeur doit cinq exemplaires, mais, tandis qu’il est obligé d’en remettre un à la Bibliothèque centrale de Londres, les quatre autres, qui sont dus aux collections d’Oxford, de Cambridge, d’Edimbourg et de Dublin, doivent être réclamés dans un certain délai au nom de ces bibliothèques, qui ne s’accroissent pas spontanément, mais en proportion des besoins de leurs lecteurs et de la vigilance de ceux qui en ont la garde.

Si la loi du dépôt légal était soumise à une révision, il faudrait s’inspirer de cet exemple (non pour laisser à certaines bibliothèques la faculté de réclamer un ouvrage, ce que notre goût d’une règle fixe ne tolérerait pas), mais pour constituer des collections spéciales et complètes. Sous le ministère de M. Duruy, on est entré dans cette voie. A l’Arsenal s’accumulent les livres sur la littérature et les collections de journaux ; à la bibliothèque des Archives, on envoie les documens imprimés par ordre des chambres et des ministères ; au ministère de l’instruction publique, on forme une collection pédagogique ; les matières ecclésiastiques sont rassemblées à la direction des cultes ; la législation étrangère au ministère de la justice ; à la bibliothèque Sainte-Geneviève, le droit ; à la bibliothèque de l’Université, les sciences ; à l’École des beaux-arts, les publications artistiques ; à la Mazarine, les publications des sociétés savantes de Paris et des départemens.

Cette répartition est fort sage. Plus s’augmente le nombre des publications et plus est indispensable cette division, qui facilite le travail et assure les recherches. Au lieu de deux exemplaires, l’état