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avec tant de complaisance, il se délecte à nous initier aux béatitudes de cette espèce de vita nuova médiocrement dantesque :

Me voici marié ; ma femme est fille unique,
Son père est épicier-droguiste retiré,
Et riche, qui plus est ; je le trouve à mon gré.
Il n’est correspondant d’aucune académie,
C’est vrai, mais il est rond et plein de bonhomie.
Et puis, j’aime ma femme, et je crois en effet,
En demandant sa main avoir sagement fait.
Est-il un sort plus doux et plus digne d’envie ?
On passe au coin du feu tranquillement sa vie,
On boit, on mange, on dort…


N’y aurait-il pas aussi quelque persiflage de soi-même dans cette apologie où je crois surprendre, sous le rire du viveur invétéré, ce relent d’amertume qui s’exhale de toutes les apostasies, grandes et petites ? Un vrai poète reste à son poste ; il y meurt et ne se rend pas. Mettons qu’Alfred de Musset n’eût jamais rencontré sur son chemin Mme Allan-Despréaux, l’intelligente et vaillante femme qui de Russie nous imposa son répertoire, le poète en aurait-il été moins fier ? eût-il renié son art, sauté le fossé, déserté à l’ennemi et, pour vivre mieux, composé des pièces comme le Duc Job, ou tel fameux vaudeville à deux cents représentations que tantôt recouvrira le même oubli ? Non pas certes. Arvers a lâché pied, c’est ce qui le juge. De ces deux vocations, que rapprochaient d’intéressantes affinités naturelles, une seule aura persisté ; l’autre s’en est allée en morceaux, dont quelques-uns excellons et qu’il ne fallait pas laisser périr.

A propos, et le sonnet ? « Le sonnet d’Arvers ? »

Mais à quoi bon transcrire ce que tout le monde sait par cœur ? N’importe, s’il existe quelque part sur la terre une belle âme qui l’ignore, envoyons-le lui, le voici :

Mon âme a son secret, ma vie a son mystère,
Un amour éternel en un moment conçu ;
Le mal est sans espoir, aussi j’ai dû le taire,
Et celle qui l’a fait n’en a jamais rien su.
Hélas ! j’aurai passé près d’elle inaperçu,
Toujours à ses côtés et pourtant solitaire,
Et j’aurai jusqu’au bout fait mon temps sur la terre,
N’osant rien demander et n’ayant rien reçu.
Pour elle, quoique Dieu l’ait faite douce et tendre,
Elle ira son chemin, distraite, et sans entendre
Ce murmure d’amour élevé sur ses pas,