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Césars, 1845 ; au Gymnase : Lord Spleen, les Vieilles Amours, 1850 ; aux Variétés, les Anglais en voyage, etc. il y en a ainsi tout un catalogue fastidieux à dépouiller ; que serait-ce à lire ?

On m’avait parlé d’une comédie en vers donnée au Théâtre-Français (avril 1841), le Second Mari, c’est affligeant : du Mazères versifié par Casimir Bonjour ! Le bon Courville, « riche armateur, » après avoir eu pour maîtresse la femme de son ancien patron, l’a épousée et souffre maintenant mal de mort à se croire à son tour trompé, tandis que son honnête commis, qu’il soupçonne, recherche au contraire une jeune orpheline recueillie dans la maison. La broderie vaut le canevas, et quant à ceux qui aiment à voir des noms propres fleurir à la rime, je leur promets aussi de bien douces consolations.

— Pardon, je vous dérange,
Mon cher associé ? — Non, mon cher de Varange !


style banal et plat où rien ne subsiste du mouvement, de l’explosion et du pittoresque d’autrefois. Ce sont là jeux de la vie et de la fortune auxquels l’esprit d’un homme ne se soustrait pas plus que son corps. Il avait vingt ans quand vous l’avez perdu de vue, il en a quarante aujourd’hui ; quel changement ! pour un peu, vous mettriez en doute son identité. Eh ! quoi ! lui si raffiné jadis, si damoiseau, si svelte, si friand de toutes les délicatesses de la forme, lui, transformé, alourdi, embourgeoisé à ce point ! Nous l’avons connu don Juan et Lovelace, et c’est à présent M. Prudhomme… On n’ose y croire, et chacun de commenter la métamorphose ; les uns, incriminant les directeurs de théâtre, s’écrient : « C’est leur faute ; que n’ont-ils représenté la Mort de François Ier ! » d’autres, comme cet étourneau de Jules Janin, ignorant ou feignant d’ignorer toute une longue période de défaillance, rééditent à propos d’Arvers la vieille complainte du poète mort à vingt ans : « au moment où il allait prendre sa place au soleil. »

Je me croyais poète et me voici notaire.
Et tous ces contes bleus ne sont plus de saison.


La vérité est qu’il mourut à cinquante ans, revenu de tout et particulièrement de la poésie. Quoique la vie de bohème ait eu souvent ce résultat final de provoquer des réactions enragées en sens inverse et que l’on ait grande chance en semant des rapins de récolter plus tard de bons bourgeois, j’aime à penser pourtant que l’auteur des Heures perdues se moque un peu de nous lorsque