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Les romantiques ont un art très particulier d’en user avec le public ; ils ne reculent devant aucune licence, quittes à s’en excuser, tantôt comme Victor Hugo par je ne sais quels sophismes humanitaires, tantôt comme Arvers ou Musset par une cabriole en manière d’avis au lecteur. Ouvrez la préface du Roi s’amuse, vous y verrez que la cabane de Saltabadil est une hôtellerie, une taverne, « le cabaret de la Pomme-du-Pin, » une maison suspecte, un coupe-gorge, mais point un lupanar. Va pour le coupe-gorge et le cabaret de la Pomme du Pin, puisqu’on y tient, mais un coupe-gorge où se passe la scène entre le roi et Maguelonne, « cette Maguelonne tant calomniée, » perd à l’instant ses droits à l’immunité tragique pour devenir simplement un mauvais lieu où le frère vend sa sœur aux gens qu’il assassine, et votre fille de carrefour n’en sera pas plus présentable parce que vous l’aurez déguisée en bohémienne à l’aide de toute sorte d’euphémismes qui vous égaient quand vous les rencontrez chez les classiques. Arvers, lui, ne prétend pas que son clapier soit autre chose qu’un clapier ; il prend même un narquois plaisir à nous le dénoncer d’avance et nous dit : C’est un mauvais lieu ; n’y entrez pas.

Ici, l’auteur prévient les mères de famille,
Les oncles et tuteurs que cet acte fourmille
De passages scabreux et de vers immoraux…


Tenons-nous pour avertis et passons ; le tableau n’en est pas moins bien réussi et comme mise en scène et comme style : des vers amusans et fringans, la désinvolture des Contes d’Espagne, une réminiscence de la Macette de Mathurin Régnier, bref, tout un chœur de Maguelonnes d’un réalisme trop moderne et presque parisien dans leurs costumes moyen âge. Du reste, on supprimerait cet épisode que le drame n’en souffrirait qu’au point de vue du pittoresque ; il se jouerait alors en deux actes ayant chacun sa maîtresse scène et dont ; à se conformer aux méthodes de cette époque, l’un s’intitulerait : le Crime et l’autre : le Châtiment :

Et si tu veux savoir mon nom également,
Il s’appelle le Crime, et moi le Châtiment.


Triboulet, Ferron c’est la même incarnation de l’idée de vengeance.

Neuf ans se sont écoulés depuis son aventure, et François Ier se meurt à Rambouillet d’un mal inexorable et mystérieux jusque dans ses rémittences qui parfois laissent croire à la guérison. Duchâtel, d’Annebaut, les médecins, le confesseur, sont là, tous accourus à la nouvelle d’une récente crise. Le roi, étendu sur son lit de repos,