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Garde de toute haleine impure, même en rêve,
Pour qu’un malheureux père, à ses heures de trêve,
En puisse respirer le parfum abrité,
Cette rose de grâce et de virginité,


il y a là une véritable confusion de personne et de langage, et ce Triboulet idéal doit être envoyé à l’école de Richard Wagner pour se voir mettre d’accord avec le cynique Triboulet qu’on nous a présenté tout à l’heure ; tant de pathétique et de poésie ne se peut dégager de l’organisme du bonhomme, et nous sommes une fois de plus en présence d’une antithèse par application. Je ne prétends pas poursuivre un parallèle entre le Roi s’amuse et la Mort de François Ier, ce qui serait un manque de proportion : il me suffit d’indiquer simplement que de ces deux variations dramatiques sur le thème François Ier, celle d’Arvers serait encore la plus heureuse au point de vue de l’histoire. Napoléon appelait François Ier un roi de théâtre ; Victor Hugo en a fait un roi d’opéra, tout exprès, dirait-on, pour la plus grande gloire de Verdi, qui l’a mis dans un cadre d’où maintenant il ne descendra plus.

Le drame d’Arvers raconte au vif et sans périphrases la vengeance de Ferron. Il existe sur ce fait deux versions, l’une tragique, celle qui va nous occuper, l’autre drolatique, qui a fourni à Marguerite de Navarre le sujet d’une de ses nouvelles : la Femme de l’avocat, et la donnée tragique est elle-même controversée, les uns voulant que la belle Ferronnière soit une artisane, les autres lui supposant pour mari un riche et célèbre basochien. Commençons d’abord par la comédie de la reine de Navarre. Marguerite et le prieur du cloître voisin ont renseigné le roi sur les mérites de la dame. Un matin qu’il cherche à s’introduire, il rencontre le mari devant la porte ; l’avocat s’étonne d’abord, mais bientôt son orgueil le ramène à l’idée que c’est à lui et non pas à sa femme qu’on en veut, et professionnellement il offre une consultation : « Comme cela se trouve ! répond le roi ; je désirais tout juste avoir votre opinion sur le duel, mais je suis pressé, rentrez vite chez vous me rédiger votre document, je repasserai dans une heure. » Il pousse l’avocat dans son cabinet et, la porte du mari bien close, il ouvre la garde-robe de la femme et s’y enferme joyeusement, puis revient une heure après payer à l’avocat sa consultation sur le duel. — Voilà pour le François Ier Pantagruel, pour l’imprudent et trop gaillard coureur de galanteries suspectes. Sa mère, dans son journal, nous le montre d’un tempérament facile aux impressions contagieuses, et Dieu sait ce qui régnait alors en Europe de variétés en matière de pestilence. J’ai lu quelque part que les cours d’amour et leurs aspirations mystiques eurent cet avantage de soustraire une fraction du genre humain aux risques d’un mal terrible, partout répandu, et que certains