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tomba, sans avoir fait peur, dans le discrédit qui est le châtiment ordinaire des contradictions. Les monarchistes manquèrent de sagesse.

Combien au contraire furent sages les républicains ! Les démagogues qui les auraient compromis dans l’assemblée avaient subitement déserté leur mandat à la veille de la commune. Fortifié par leur défection, le parti républicain rendit un premier et incalculable service. Dans les bouleversemens de la révolution et de la guerre, la notion du droit avait été ébranlée ; entre la commune de Paris et l’assemblée de Versailles les masses populaires des grandes villes hésitaient. Si la révolte avait gagné ces foyers, que fût-il advenu de la France ? Par sa présence et ses votes, le parti républicain rendit témoignage à la légalité ; par son influence ; il y rattacha tout le monde. En même temps qu’il prenait sa part de responsabilité dans le châtiment de la révolte, il l’acceptait dans l’établissement de lourdes charges. C’est en ne cherchant pas la popularité qu’il commença à la trouver. On le vit tour à tour s’associer aux mesures libérales de la majorité, les défendre contre elle, quand celle-ci les renia, attester son respect pour les forces protectrices de la France, et, quand il s’agissait de l’église, lui refuser des faveurs sans lui marquer de haine, garantir sa liberté, la promettre aux religieux, même aux jésuites, et opposer à une politique de privilège une politique de tolérance. Cette tolérance qu’il professait pour les idées, il l’observait envers les personnes. C’était sa maxime que les charges publiques sont faites pour le service de ceux qui vivent en société, et les fonctions politiques même lui auraient semblé détournées de leur but si elles n’avaient servi qu’à payer le dévoûment des uns et à punir l’hostilité des autres. D’ailleurs il songeait moins à se garder de ses adversaires qu’a les gagner. Soucieux de désarmer leur défiance, attentif à leur rendre la conversion honorable, habile à se parer de ses nouvelles conquêtes, il avait le sentiment généreux et juste qu’un parti, pour mériter le pouvoir, doit se dissoudre dans la nation et ne pas survivre à sa victoire.

La mauvaise politique des uns diminua ainsi la popularité qu’ils avaient méritée durant la guerre : la bonne politique des autres effaça peu à peu les souvenirs de violence et d’incapacité qui pesaient sur la défense nationale. Dès les élections partielles de 1871 commença dans le pays un mouvement que rien ne devait plus arrêter. Il devint tel qu’après quatre années de luttes et avant de finir, l’assemblée nationale consacrait par une constitution la légitimité de la république. En 1876, le suffrage universel confirmait ce vote en peuplant la chambre nouvelle de députés républicains. Restaient un sénat et un président encore monarchiques, mais quand, au 16 mai, un coup de tête qui sembla un coup d’état mit en question le nouveau régime, le vœu du pays, tourné en passion violente,