Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 55.djvu/564

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et que, sur ses ruines, d’est élevé le nouvel empire d’Allemagne, où tout est prussien, sauf le nom, quai peut être le rôle de da maison d’Autriche si elle ne veut pas se prêter à celui que bai confient et que voudraient lui voir jouer ses bons amis de Berlin ?

Il n’y a qu’un moyen pour cette race illustre d’échapper au danger qui la menace, c’est de se laisser aller du côté où la poussent à la fois ses intérêts dynastiques et les vœux ardens de la grande majorité des peuples qu’elle gouverne, c’est-à-dire des Slaves.

En effet, les Slaves d’Austro-Hongrie sont dix-huit millions, et ils croissent plus rapidement que les autres races de l’empire ; les Roumains de Transylvanie sont trois millions, les Magyars sont cinq millions, les Allemands enfin sont sept millions. Or, un jour viendra peut-être qui verra les sept millions d’Allemands de l’Autriche, subissant la loi d’attraction universelle, se fondre dans la grande unité germanique. Ce jour-là, les Slaves constitueront près des trois quarts de l’empire danubien, et la monarchie des Hapsbourg, débarrassée du boulet qu’elle traîne aujourd’hui, pourra, si elle le veut, se mettre à la tête d’une fédération de peuples jeunes, vigoureux, et devenir réellement, dans l’Europe renouvelée, l’empire de l’Est.

Pour cela, elle n’aura qu’à s’appuyer sur ses Slaves sans opprimer ses autres sujets. L’historien tchèque Palacky a écrit : « Si l’Autriche n’existait pas, il faudrait l’inventer, » et, après lui, le docteur Rieger, soutenant à la fois le maintien de l’empire et l’adoption du système fédératif, s’écriait au nom des vieux Tchèques : « Tous nos efforts doivent tendre à un seul but : conserver l’Autriche et nous conserver nous-même dans l’Autriche. » Les Polonais disent aussi : « La Pologne se fera par François-Joseph ! » Ces sentimens sont ceux de tous les Slaves d’Austro-Hongrie, et quand le moment sera venu, son empereur n’aura qu’à s’adresser à eux pour trouver dans leur fidélité et dans leur courage la base solide et indépendante qui manque aujourd’hui à sa dynastie.

Dans quelles conditions cette rénovation pourrait-elle se réaliser ? Il serait difficile de le prévoir. Mais il n’y a aucune témérité à affirmer que telle doit être la solution de la question qui bientôt ne sera plus seulement la question orientale, mais s’appellera la question européenne. Il est aisé de voir, du reste, que ces préoccupations ne sont pas loin d’entrer dans le domaine de la politique active. Au mois de mars dernier, la Gazette nationale de Berlin ne proposait-elle pas ouvertement « le groupement des Slaves qui vivent au-delà du Danube et de la Save en un corps de nations sous le sceptre d’un archiduc autrichien ? » A quoi la Nowoye Wremia, journal russe, répondait que les peuples slaves du Sud possédaient