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et au sud Vergoratch, en Dalmatie, avec la route construite au commencement du siècle par les ordres du maréchal. Marmont, duc de Raguse, et qui va de Knin et de Sebenico à Metkovitch. Cette route est encore aujourd’hui le seul ouvrage d’art qui réunisse les diverses parties de la Dalmatie : aussi le souvenir des Français y est-il populaire.


V

Makarska, le 15 juin.

Partis hier à six heures du monastère de Humatch sur des chevaux turcs, — que j’ai eu toutes les peines du monde à me procurer, — nous sommes arrivés à Vergoratch, en Dalmatie, à dix heures.

La route parcourt la vallée de la Trébizatz jusqu’au moment où l’on entre en Dalmatie. On passe la rivière elle-même sur un pont qui doit occuper l’emplacement d’un autre pont d’une époque bien reculée, puisque c’est la direction de Vergoratch et de la mer. La rivière est divisée en deux par une île, ce qui est encore une raison de penser qu’il y a eu là un passage depuis l’antiquité. D’en bas, on aperçoit à mi-côte le mur qui sert de frontière et la route qui suit cette frontière de Vergoratch à Metkovitch. La vallée n’est pas mal cultivée, surtout en vignobles, aux endroits du moins où les pierres qui jonchent partout le sol permettent le travail agricole, et on se rend bien vite compte que l’on entre dans un pays depuis longtemps soumis à une administration régulière, en marchant dans des chemins plus droits, bordés de murs en pierres sèches et d’une largeur à peu près normale. Cela n’empêche pas le système de culture d’être bien primitif, témoin plusieurs charrues que nous rencontrons attelées de huit bœufs et menées par trois ou quatre hommes qui font un labour moins profond de moitié que ceux que nous ferions avec deux ou trois de nos bœufs nivernais.

On laisse à droite, avant de franchir la frontière et sur une colline basse qui émerge du milieu de la plaine, les ruines du château de Vasarovitch, qui m’ont semblé tout à fait analogues à celles de Vergoratch, dont nous voyons bientôt la vieille tour carrée au-delà des lagunes de Raskok. Ces lagunes sont produites en hiver par l’amas des eaux surabondantes qui s’écoulent ensuite, dit-on, pendant la belle saison, par des égouts naturels et inexplorés, pour reparaître de l’autre côté de la montagne et se jeter dans la mer Adriatique. La plupart de ces lagunes se trouvent en territoire dalmate ; et comme elles engendrent des miasmes dangereux, des ingénieurs autrichiens ont étudié la question de leur dessèchement au moyen d’un tunnel