de marge à aucune déception. Si l’on songe que les obligations de chemins de fer valent en ce moment 360 francs, qu’elles ont valu il y a un an 390 et 400 francs, que la coupure de 15 francs de rente 3 pour 100 amortissable qui n’est, elle aussi, que la reproduction du type de l’obligation de chemin de fer, vaut aujourd’hui plus de 400 francs, il est évident que l’épargne doit faire un accueil excellent à un titre de premier ordre, présentant une sécurité absolue, complètement assimilable à l’obligation de chemin de fer et à la petite coupure de rente amortissable, et valant 30 francs de moins que la première et 70 francs de moins que la seconde.
L’épargne, en effet, a paru s’appauvrir à la suite, non pas seulement de la dernière crise financière, mais encore de plusieurs mauvaises récoltes et du ralentissement général des affaires qui s’est produit en 1882; mais elle n’a pas eu, d’autre part, d’occasions sérieuses d’emploi, et les fonds disponibles se sont accumulés lentement pendant tout cet exercice où les capitalistes ont fait preuve, à l’égard des valeurs mobilières en général, d’une défiance si profonde et si obstinée. Dans cet espace de douze mois, une seule émission, d’un caractère tout spécial, celle des obligations du Canal de Panama, a obtenu quelque succès. L’épargne n’a acheté pour ainsi dire aucun titre appartenant à la catégorie des valeurs à revenu variable, et le peu d’argent qui est venu sur le marché a été appliqué à l’acquisition de petites inscriptions de rentes et d’obligations de chemins de fer. En dépit de la dureté des temps, il y a beaucoup de capitaux libres. Le paiement des capitaux en janvier va encore augmenter de quelques centaines de millions cette énorme provision sans emploi. Le Crédit foncier a bien fait, selon toute vraisemblance, de compter qu’une partie de cette provision absorberait aisément son emprunt. Il suffisait pour cela qu’il offrît un prix d’acquisition réellement avantageux. A 330 francs, de l’aveu de tous, le succès n’est plus douteux.
Ce succès, tout le monde le désire : établissemens de crédit, grandes maisons de banque, entreprises industrielles, compagnies de chemins de fer, tout le monde en effet a intérêt à voir se produire enfin une manifestation significative de l’épargne. Non pas que l’on espère voir notre marché reprendre immédiatement après cette émission son animation d’autrefois : personne ne se berce d’une telle illusion. Il se peut que l’épargne enlève volontiers 600,000 obligations foncières offertes à un bon prix, et continue pendant longtemps encore à ne pas vouloir des valeurs de toute sorte et de toute qualité qui encombrent les portefeuilles des sociétés de crédit et dont la cote a tracé jour par jour, par l’inscription de cours de plus en plus bas, l’instructive décadence. On compte du moins que le charme sera rompu, que la spéculation sortira de sa torpeur et que, sur quelques valeurs de choix, nos fonds publics