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des enseignemens purement érudits, voulut-il que M. de Rossi y prît part. C’est là qu’on a pu l’entendre, montant en chaire et devenu professeur, donner de belles et solides leçons.

Elles ne furent jamais nombreuses. C’est un trait original de cette physionomie que le zèle d’un très libre enseignement. Si l’artiste qui a gravé la médaille offerte le 11 décembre avait dû, au lieu de donner un simple profil, mettre en scène son modèle, il ne lui serait jamais venu à l’esprit, je pense, de le figurer en chaire. Il l’aurait placé bien plutôt en présence des monumens qu’il sait si bien interroger, au fond des catacombes, dont il fait revivre les souvenirs, dans ces galeries du Laterano, en face de ces inscriptions mutilées et de ces sarcophages, auxquels il semble rendre la parole pour qu’ils portent eux-mêmes témoignage. Mais par quel irrésistible besoin de son ardeur et de sa pensée ce merveilleux exégète conduit-il à travers les cimetières souterrains, pour la centième ou la deux-centième fois, les innombrables visiteurs de Rome, souverains et prélats, gens du monde et hommes d’étude les uns pèlerins de la religion ou de la science, les autres pèlerins de la simple curiosité? Quel apostolat volontaire le fait se donner à tous, reprendre avec une verve nouvelle et sous une autre forme, toujours plus habile, les explications qu’il a si souvent données? M. de Rémusat, un bon juge en fait de critique et de parole ingénieuse, a caractérisé avec une justesse singulière cet enseignement oral si familier et si puissant. « M. de Rossi, écrivait-il[1], intéresse l’esprit, persuade la raison, captive la confiance par la sûreté et l’originalité du savoir, par la clarté et la sagesse des interprétations, enfin par cette union d’une sagacité supérieure et d’une probité parfaite qui ne sont pas moins nécessaires l’une que l’autre à l’érudit vraiment digne de ce nom. » On ne saurait mieux dire, ni avec plus de vérité.

Comme archéologue chrétien et comme épigraphiste, comme juriste et comme topographe, M. de Rossi a contribué au renouvellement des études classiques et répandu des lumières désormais incontestées sur les quatre premiers siècles. Que de services n’a-t-il pas rendus aussi, et combien d’indications neuves et pénétrantes n’a-t-il pas offertes à ceux qui s’intéressent particulièrement au moyen âge, soit qu’ils veuillent étudier l’histoire de l’art, les destinées transformées des monumens anciens, la construction et l’ornementation des basiliques, le mélange et puis la distinction de l’art chrétien et de l’art païen, les procédés et l’inspiration des mosaïstes,.. soit que, préoccupés de l’histoire littéraire, ils recherchent les premiers progrès de ce grand mouvement de l’humanisme dans lequel Rome a joué un principal rôle, et qui, commencé au XIVe siècle, devait contribuer si puissamment

  1. Voyez la Revue du 15 juin 1863.