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débris de porphyre et de mosaïque dorée, y feront un plus grand effet que celui qu’ils produisent actuellement. Comment cet architecte qui a fait son chef-d’œuvre à Paris ne s’est-il pas inspiré aux Spélugues de Rome et de Pæstum? La raison en est simple : les jeux ne peuvent créer rien de noble, rien de grand. Leur contact éteint la flamme qui brûle dans l’âme des grands artistes comme il éteint chez l’habitué des tripots, l’honneur, le devoir, l’affection. Un homme qui joue ne saurait être un ami fidèle, un père, un époux. Il en est de même de la femme : elle ne saurait aimer, et sans cette flamme de l’amour qui rayonne autour d’elle, que serait-elle? Est-il permis à un homme enrichi par le jeu d’avouer hautement l’origine de cette richesse et les honnêtes gens lui tendront-ils volontiers la main? Nous ne le croyons pas. Qui ne connaît ces mots de Franklin : « Quiconque prétend que l’on peut prospérer autrement que par le travail est un empoisonneur. » Et Jacques Laffitte a dit après lui : « Si j’avais un ennemi que je voulusse perdre, je lui souhaiterais de gagner au jeu et à la Bourse. » Qu’en pensent ceux qui, dans ces dernières années, en France comme en Autriche, n’ayant vécu que de spéculations risquées, ont fini par en mourir?

C’est temps perdu, n’a-t-on pas manqué de me dire que d’essayer de combattre la passion du jeu, passion mille fois réprimée et sans cesse renaissante. Il faut, en effet, être bien convaincu de la nécessité d’un tel combat pour y prendre part ; et celui qui écrit ces lignes possède au plus haut degré cette conviction, car il a vu la passion funeste exercer ses ravages en Chine et dans le Nouveau-Monde, à Saint-Pétersbourg comme à Madrid. Et en France! jamais notre gouvernement n’a plus qu’aujourd’hui autorisé les loteries, les tombolas, l’ouverture de tripots se cachant sous des étiquettes artistiques et littéraires, laissé sans contrôle les paris qui se font dans des maisons ad hoc, en dehors des champs de course. Et les courses elles-mêmes I Est-ce vraiment pour l’amélioration de la race chevaline que tant de gens se précipitent, se bousculent, jettent des clameurs et mettent sur un cheval leurs salaires d’une semaine et d’autres les héritages d’une origine sacrée? Mais en dehors des jeux n’est-il pas d’autres vices inhérens à la nature humaine et contre lesquels il faut sans trêve employer la répression ? Si toutes les passions doivent avoir un libre cours, supprimons alors la loi sur l’ivresse, sur la débauche, tout le code. Partisans de la liberté, de toutes les libertés, voulez-vous de celles qui exploitent les faiblesses humaines? Quant à nous, n’aurions-nous arraché à Monte-Carlo qu’une seule victime, nous ne croirons pas avoir mal employé notre temps.

En terminant cette étude, puissions-nous être d’accord avec les