espèce de toiles fut établie à Monaco au seul avantage du prince. Ces toiles étaient plus chères que partout ailleurs et cependant les marins de Monaco furent obligés de se pourvoir de voiles et d’agrès pour leurs bâtimens dans les magasins du prince. Il s’empara des boucheries et en concéda le monopole. Un nommé Chappon, Français, par parenthèse, était l’âme damnée du prince ; ce personnage devint le fermier, le meunier, et le boulanger de la principauté. Tous les habitans du pays, valides ou invalides, les étrangers de passage ou en résidence, furent condamnés à manger le même pain sous les peines les plus sévères. Comme parfois il était fait avec de la farine de rebut et toutes sortes d’ingrédiens, un véritable pain de siège, Honoré IV fit publier une consultation médicale, rédigée à Paris, dans laquelle on déclara « que l’ivraie n’avait aucune mauvaise qualité pouvant nuire à l’économie animale. » Nul ne pouvait couper un arbre sur un domaine sans autorisation et la présence d’un carabinier : 1 pour 100 était prélevé au profit du prince sur la vente des récoltes. S’il naissait un agneau ou un chevreau dans la principauté, le propriétaire du nouveau-né était tenu d’aller chez le receveur des domaines, d’y faire constater sur papier timbré de 25 centimes le jour de la naissance et le sexe de l’animal. La douane monégasque était un véritable coupe-gorge. À la moindre déclaration erronée, il y avait amende et confiscation. Les réunions, les ports d’armes, les sorties sans lanterne après dix heures du soir, les plus innocentes libertés étaient punies d’une amende. Cela se comprend : la police partageait avec le prince ! Quelle est la personne née en Provence qui n’a pas entendu parler des sous de Monaco ? Leur apparition en France fut une véritable calamité. Le Midi en fut infesté. « C’était, dit M. Abel Rendu, un spectacle bien singulier et bien amusant que de voir au milieu des halles de Toulon et de Marseille, de vives et alertes marchandes se prendre aux cheveux au sujet du malheureux sou monégasque qui se glissait comme un intrus dans leur recette. Il fallait les entendre se répandre en malédictions contre le faux-monnayeur, — car tel est le nom infamant qu’avait reçu le prince. — L’autorité française dut intervenir. »
Par ces procédés. Honoré et son fils Florestan Ier tirèrent en moyenne 300,000 francs par an d’un pays qui n’avait que 10,000 âmes de population. 50 francs d’impôts par tête à Monaco quand l’impôt n’était que de 15 francs en France ! Il est vrai que, depuis, les choses ont bien changé chez nous, mais comme l’on comprend les habitans de Menton et de Roquebrune brisant révolutionnairement, en 1848, les liens qui les retenaient aux Grimauld ! Impôts, monopoles, pluies d’amendes s’en furent où sont les dîmes,