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Gênes. Les 10 août 1481 et 14 mai 1404, Lambert et Lucien Grimaldi prêtent serment au duc Charles, et « s’engagent à ne reconnaître aucun autre souverain, à faire flotter trois fois la bannière de Savoie sur leur château et à servir les ducs de Savoie en temps de guerre[1]. »

On devine les causes de ces hommages sans cesse renouvelés; Gênes réclamait Monaco et le port d’Hercule, l’un pour lui servir de sentinelle avancée, l’autre pour servir de refuge à ses flottes. Afin de résister à ces deux prétentions, Lucien Grimaldi appela à son secours le roi de France Louis XII ; il ouvrit son château, assiégé sans succès pendant dix mois par les Génois, à une garnison savoisienne et française.

C’est à la suite de ses relations avec le roi de France que Grimaldi obtint de celui-ci, en sa qualité de comte de Provence, les lettres patentes par lesquelles, le 14 mai 1512, Louis XII déclarait complaisamment a notoire que le dit Lucien de Grimauld ne tenait sa place et seigneurie de Monèques que de Dieu et de l’espée, sans que jamais ne luy ne ses prédécesseurs, — auxquels elle a appartenu de si grand ancienneté qu’il n’est mémoire du contraire, — recogneussent ne advouassent jamais à souverain, roy ne prince ou seigneur fors qu’à Dieu[2]. » C’est sans doute d’après ces lettres patentes que le généalogiste dont nous parlions a pu faire remonter jusqu’au-delà de Charlemagne l’origine des Grimaldi. Un fait que nous ne devons pas passer sous silence, c’est que ce même Louis XII, quatre ans avant les fameuses lettres, avait fait arrêter et enfermer pendant quinze mois au château de la Roquette, près Milan, Lucien Grimaldi. Ce prince s’était refusé, non sans droit et sans raison, à recevoir une garnison française dans sa principauté, et il n’obtint sa liberté qu’en y consentant.

Est-ce par ressentiment contre cette odieuse détention que Monaco passa aux Espagnols? En 1524, un Augustin Grimaldi, évêque de Lérins, quoique aumônier de François Ier et son conseiller intime, prêta traîtreusement la main à cette félonie. Pendant cent vingt ans la principauté dépendit de la maison d’Autriche, et l’on vit à la bataille navale de Lépante, Honoré Ier prince de Monaco, conduire contre les Turcs une division de la flotte espagnole. Mais rien n’est durable. Sous Louis XIII, Richelieu envoya devant Cannes une magnifique escadre commandée par le comte d’Harcourt, et Escoubleau de Sourdis, archevêque de Bordeaux. Les îles de Lérins, occupées par les Espagnols, furent évacuées par eux et, comme

  1. Archives royales de Turin, cat, III, liasse III bis, n° 1.
  2. Léon Pilatte, la Question de Monaco, Nice.