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Les deux figures reposent sur un champ de sculptures représentant, du côté de Neptune, la mer avec des chevaux marins et des poissons nageant sur la crête des vagues, du côté de la Terre, le sol parsemé de fleurs, de fruits et d’animaux. Sur les eaux vogue une nef destinée à contenir le sel ; sur le sol s’élève un édicule ionique servant à mettre le poivre. Le groupa est supporté par un socle décoré de figures couchées sculptées en haut-relief : l’Aurore, le Jour, le Crépuscule, la Nuit. Le Neptune et la Terre sont d’or, le navire et le temple sont relevés d’émaux, les accessoires, animaux, draperies, fruits, fleurs, diadèmes, sont émaillés en plein. Tout cela est fort ingénieux, trop ingénieux même quand Ton songe que, dans l’idée de Cellini, les jambes entrelacées des grandes figures faisaient allusion « à ces bras de mer que l’on voit pénétrer dans l’intérieur des terres. » Pour faire un chef-d’œuvre, il n’est pas besoin de tant d’esprit. Mais si grande que soit sa réputation, ce groupe est loin d’être un chef-d’œuvre. Tout d’abord on est choqué de la disproportion des figures avec la nef, le temple et les animaux ; ce sont des jouets d’enfant. De plus, la composition n’est point heureuse. L’attitude renversée du Neptune et de la Terre n’est ni dans la vérité ni dans la grâce. On comprend vite que, par ce mouvement forcé, l’artiste a cherché à éviter la rigidité des lignes qu’eussent présentée deux personnages assis tout droits. Il n’a réussi qu’à trouver la raideur. Les figures se raidissent pour conserver leur équilibre, sinon elles tomberaient inévitablement en arrière. Ces critiques faites, il faut reconnaître que le choix des formes à la fois robustes et élégantes est excellent, que l’alliance de for et des émaux habilement assortis produit le plus bel effet et que l’exécution fine, délicate et en même temps pleine d’accent justifie la renommée du maître.

On a nié l’identité du camée de la Léda au cygne du cabinet de Vienne avec l’enseigne de bonnet représentant le même sujet dont parle Cellini. La description de Cellini, dit-on, ne se rapporte pas très bien au bijou de Vienne. On remarque aussi que c’est un camée antique dont la tête a été refaite et que Benvenuto n’a point sculpté en pierre dure. Or M. Eugène Plon, qui, sans se prononcer d’une façon absolue, penche pour le bien fondé de l’attribution, prouve que Cellini n’a pas toujours décrit ses œuvres avec la dernière exactitude. D’autre part, il rappelle que le Florentin recherchait les gemmes antiques et il établit, d’après un document inédit, qu’il fit pour le duc Cosme une série de huit têtes d’animaux en pierre dure. On serait donc porté à admettre ce bijou comme nue œuvre authentique. Le fait est que ce camée sur fond d’or, relevé d’émaux d’un éclat incomparable et encadré d’arabesques ornées de fleurs de lis émaillées portant comme pistils des diamans et des