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pris la tonsure, c’est-à-dire les premiers ordres de prêtrise, du révérendissime monseigneur de Serristori, dans sa maison du Borgo Santa Croce, avec toute la solennité et toutes les cérémonies accoutumées. » Ce diable n’était pas encore assez vieux pour se faire ermite. Il écrivait deux ans plus tard : u En 1560, ayant le désir d’avoir des enfans légitimes, je me suis fait relever de mes vœux et ai repris ma liberté. »

À cette époque, Benvenuto avait déjà eu quatre enfans naturels. Du premier, né à Paris, il ne s’occupa guère. « Je confiai, raconte-t-il, l’enfant à une de ses tantes avec une somme dont elle se contenta. Depuis je n’en ai jamais entendu parler. » Les trois autres, nés à Florence de différentes liaisons, moururent en bas âge. En 1562 ou 1563, le sculpteur se maria, et sa femme lui donna deux filles et un fils. Cellini avait passé soixante ans au moment de son mariage. Il se maria comme on se marie souvent à soixante ans : il épousa sa dernière maîtresse. Cette femme, qui s’appelait la Pierra, était depuis deux ou trois ans servante et modèle chez lui ; elle l’avait soigné avec dévoûment quand il avait été empoisonné. Cellini d’ailleurs n’avait jamais été très recherché dans ses amours. Il sacrifiait aux sens, le cœur n’était pas pris. La femme tient peu de place dans la vie de Benvenuto. Elle n’est point pour lui un être charmant et délicat, une chère compagne ou une despotique amante; c’est une chose dont il se sert à trois fins : comme servante, comme modèle et par suite comme maîtresse soumise et commode. Toutes les femmes avec qui il vécut, la Catherine, Jeanne, cette sauvage fillette qu’il appelait scozzone (casse-cou), la Dorotea, la Pierra et tant d’autres eurent en lui moins un amant qu’un maître.

Il fallait élever ces enfans, faire vivre cette femme et lui-même. Or la pension n’était plus payée, les commandes manquaient, les placemens d’argent n’avaient pas été avantageux. Cellini revint à son premier métier. Il s’associa en 1568 avec trois jeunes orfèvres, les frères Gregori, et acheta à réméré une boutique pour s’y installer. L’association n’eut pas une longue durée puisque Cellini mourut en 1571. Il avait été souvent malade dans ses dernières années. En 1564, la maladie l’avait empêché de concourir à la décoration de San-Lorenzo pour les funérailles de Michel-Ange et même d’assister à ses obsèques, où il devait figurer comme un des quatre représentans des arts, avec Bronzino, Vasari et l’Ammanato. Un an plus tard, il eut encore la déconvenue de ne pouvoir entreprendre aucun travail quand, à l’occasion du mariage du fils aîné de Cosme, François de Médicis, avec la princesse Jeanne d’Autriche, on fit appel à tous les artistes de Florence pour élever des monumens et des arcs de triomphe. c’est sans doute dans les accalmies que lui laissaient