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voulut d’abord se récuser à cause de leurs démêlés, mais, contraint d’obéir, il eut le bon goût d’évaluer la statue à 16,000 écus. Le duc n’eut garde d’écouter Bandinelli ; d’un autre côté, Benvenuto refusa 5,000 écus que la duchesse se proposait de lui faire obtenir. Enfin un commissaire des Bandes, agréé comme arbitre par les deux partis, rendit cette décision dont le texte a été retrouvé à l’Archivio delle revizioni. «... Bien que le Persée soit chose admirable et rare, et peut-être unique en Italie, il me paraît que Son Excellence doit donner 3,500 écus d’or, qui représentent largement la peine de l’artiste. Or c’est la peine qui doit être payée et non la figure. Quant à Benvenuto, il est très content, comme personne fort discrète et qui estime plus l’honneur que l’argent. » Trois mille cinq cents écus, c’était peu, encore ne furent-ils payés qu’à grand’peine. On voulut d’abord défalquer de cette somme les fournitures qui avaient été faites à l’artiste, cire, étain, bronze, et jusqu’au transport de la statue, de l’atelier à la place de la Seigneurie. Benvenuto réclama dans une lettre conservée aux mêmes archives. « Tant que je pensais devoir être traité en artiste, je n’avais pas à m’inquiéter d’être débité de ces choses. Mais aujourd’hui que vous me payez en manœuvre, déclarant ne me devoir que le prix de ma peine, je ne puis avoir à supporter les dépenses matérielles. » Cosme avait donné l’ordre que l’argent fût versé par acompte de 100 écus par mois jusqu’à parfait paiement; mais bientôt le mandataire du prince réduisit ces acomptes à 50, puis à 25 écus, que Benvenuto ne pouvait pas même toucher à date fixe. En 1567, douze ans après l’arbitrage du commissaire des Bandes, il n’était pas encore complètement payé !

Quand Cellini revint à Florence, il avait été convenu, du moins à en croire une note de Cellini lui-même, conservée à la Biblioteca Riccardiana, que le duc lui paierait toutes les œuvres qu’il ferait « selon ce qu’elles seraient; » en outre, le duc lui assurait une pension annuelle de 200 écus d’or et lui donnait en toute propriété une maison située Via del Rosaio. Ces conditions n’étaient pas excessives, surtout si l’on songe que Cellini arrivait de France, où il touchait 1,000 écus d’or par an sur la cassette royale et où il possédait, de par une largesse de François Ier, une demeure princière, le Petit-Nesle. Le duc Cosme tint mal ses engagemens. La « provision » de 200 écus, comme l’appelle Cellini, cessa de lui être payée dès 1565. Pour la maison, bien que la propriété lui en eût été assurée en 1545 par un rescrit du duc, et qu’en 1561 l’acte de donation eût été rédigé dans la forme légale et dans les termes les plus flatteurs pour le donataire, Cellini fut néanmoins menacé en 1566 d’être jeté dehors. Des difficultés de procédure s’étaient produites, et les mandataires du duc ayant mis à les lever une négligence