Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 55.djvu/361

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les archives d’état donnent tout au long l’instruction contre le faux monnayeur Maccheroni, affaire dans laquelle l’artiste florentin, alors graveur des coins de la monnaie pontificale, fut injustement compromis. Il est dit dans la Vita que l’emploi de maître de la monnaie fut retiré à Cellini peu de temps avant la mort de Clément VII; le registre des mandais fait foi que l’orfèvre reçut son dernier paiement le 17 janvier 1534, c’est-à-dire huit mois avant l’avènement de Paul III. A mesure que l’on avance dans la vie du sculpteur, à mesure les documens qui en confirment les faits importans deviennent plus nombreux. On a la procédure d’enquête commencée contre Cellini, assassin de Pompeo, le sauf-conduit qui lui fut plus tard délivré afin qu’il pût rentrer à Rome, le motu proprio rendu par Paul III pour mettre définitivement le meurtrier à l’abri de toute poursuite, l’interrogatoire qui suivit son arrestation quand il fut accusé de détournement de pierreries ; on a retrouvé aussi diverses pièces se rapportant à sa captivité au château Saint-Ange et à son audacieuse évasion, où il devança par l’industrie et la hardiesse les baron de Trenck et les Latude. Voici encore les lettres de naturalisation octroyées par François Ier l’acte de donation du château du Petit-Nesle, les rescrits, suppliques, mémorandums, consultations et autres actes relatifs au don de la maison de Florence et aux travaux de sculpture et d’orfèvrerie exécutés pour le duc Cosme.

Nous pourrions ne pas nous arrêter dans ce dénombrement de pièces originales. C’est assez. Nos citations suffisent à indiquer l’importance du livre de M. Eugène Pion au point de vue documentaire. Aussi bien, les archives ne nous apprennent-elles sur Benvenuto que ce que nous savions déjà. Il en est ainsi de beaucoup de documens inédits. Inédit ne signifie pas nécessairement nouveau. Les documens originaux corroborent les assertions des historiens et donnent parfois quelques détails de peu d’importance qui leur ont échappé ou qu’ils ont volontairement négligé de mentionner, mais il est rare qu’ils soient de nature à changer l’opinion reçue sur les grands événemens et les grands personnages de l’histoire. Comme nous disait un des maîtres de la critique historique, désormais le siège de l’histoire est fait et bien fait. Si les hommes et les choses ne sont peut-être pas tout à fait à leur vraie place et sous leur vrai jour, il faut s’en prendre aux historiens et non à l’insuffisance des documens. Quand, à l’aide des papiers d’archives et de chancellerie, on nous montrera un iconoclaste en Léon X et en Philippe II un sceptique, quand on nous prouvera que Marignan a été une défaite pour les Français et Pavie une victoire, alors nous croirons aux documens nouveaux.