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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 décembre.

Les années se suivent et s’enchaînent sans se ressembler toujours. Elles ont, du moins depuis assez longtemps, cela de commun qu’elles ne sont pas précisément heureuses, qu’elles ne peuvent être l’objet de commémorations bien triomphantes. Elles se succèdent chargées du poids du passé et aussi du présent, se transmettant l’une à l’autre un héritage de fautes et de mécomptes qui grossit chemin faisant et s’alourdit sans cesse. A chaque tour de roue, c’est-à-dire chaque fois qu’une année recommence, on se sent peut-être repris d’une inépuisable illusion et on se remet pour un instant à espérer. On se dit que, si dans l’année qui disparaît, qui n’est déjà plus que de l’histoire, il y a eu des contre-temps, des épreuves et des déceptions, l’année nouvelle sera peut-être plus favorable, qu’elle aura une fortune plus heureuse ou moins ingrate. On se souhaite mutuellement et on se promet la « bonne année » en face de l’inconnu. Puis, quand l’étape nouvelle est franchie, quand on est au bout, on s’aperçoit encore une fois qu’il n’y a rien de changé, qu’il n’y a que quelques mois de plus médiocrement employés. On se retrouve assez souvent en présence de méprises accumulées, de problèmes aggravés et d’un autre inconnu qui recommence pour l’Europe, pour tous les pays comme pour la France. Ce n’est point sans doute que cette année, dont la dernière heure va sonner, ait été plus malheureuse que bien d’autres, qu’elle ait été troublée par des crises violentes ou marquée par des catastrophes. Elle a été, à tout prendre, une année de paix extérieure, de paix européenne,