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et l’on obtient, dans un second recuit au rouge cerise, celle des autres minéraux de la roche. Les observations pétrographiques prouvent du reste que c’est ainsi qu’opère la nature.

La longue durée de ces expériences et la possibilité d’en interrompre le cours à chaque instant permettent d’en suivre les phases et d’assister, pour ainsi dire, à la formation des groupemens moléculaires. Tantôt, les cristaux grossissent lentement, dépouillant peu à peu la matière ambiante des élémens chimiques nécessaires à leur constitution ; tantôt, ils se forment brusquement, après qu’un recuit prolongé a préparé les élémens de leur organisation. Les uns croissent par addition de couches concentriques; d’autres montrent d’abord les linéamens de leurs contours et postérieurement en comblent l’enceinte. Souvent ils englobent des bulles de gaz et des particules du magma vitreux qui les engendre, imitant en cela ce qu’on observe dans les roches naturelles. Les minéraux les plus réfractaires cristallisent les premiers et les autres se développent successivement dans l’ordre inverse de leur fusibilité.

Les associations minérales qui ont été le fruit de ces travaux sont identiques aux principaux types des roches volcaniques; elles en ont la composition et la structure; mais ce qui donne surtout de l’importance à ces synthèses, c’est qu’elles ont été produites dans des conditions imitant fidèlement celles que la nature met en œuvre; elles sont ainsi un exemple frappant des services que l’expérimentation peut rendre à la géologie.

Une dernière considération doit ici fixer l’attention du lecteur. Quand on parcourt la liste de ceux qui ont travaillé aux recherches synthétiques minérales, on n’y lit guère que des noms français. Cette remarque n’a pas échappé à la sagacité des commentateurs étrangers et, à diverses reprises, ils s’en sont faits les interprètes, s’étonnant du cachet national particulier que présentait ainsi une branche de science. Il est évident que la raison du fait est de nature psychologique et ne peut être cherchée que dans le caractère propre à notre race ; elle paraît résider dans l’instinct secret qui, de l’étude des phénomènes, nous conduit rapidement à la recherche des causes et nous presse hâtivement de savoir le pourquoi des données de l’observation. Notre génie scientifique national répugne à l’idée d’accumuler une masse de faits sans tenter d’en pénétrer le principe. Cette tendance peut entraîner quelquefois à des hypothèses hasardées, mais on doit reconnaître, d’autre part, qu’elle offre de sérieux avantages quand elle inspire des expériences synthétiques comme celles dont nous avons esquissé le tableau.


F. FOUQUÉ.