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Ce dernier résultat n’était pas des plus nets et l’on comprend très bien, à l’inspection des produits de James Hall, qu’il n’ait pas convaincu ses contemporains; de nos jours même, en employant le microscope et les autres moyens d’examen que la science a fait découvrir depuis lors, on n’aperçoit dans les culots extraits de ses creusets que des squelettes de cristaux englobés au sein d’une masse prépondérante de substance vitreuse.

L’insuccès de James Hall fut attribué à la quantité trop petite de matière sur laquelle il avait opéré. C’est pourquoi l’un de ses compatriotes, Gregory Watt, entreprit des recherches analogues, en employant des proportions beaucoup plus considérables de basalte. Le poids de la roche traitée atteignait 700 livres. La masse en expérience avait 1m,20 de longueur, 0m,80 de largeur et 0m,50 d’épaisseur. La fusion se faisait dans l’un des fours d’une usine à cuivre ; elle durait six heures et le refroidissement se prolongeait pendant huit jours sous un manteau de charbon qu’on laissait se consumer lentement. Dans le mémoire qu’il a publié, Gregory Watt décrit les produits successifs de ce long refroidissement. Le verre noir se charge d’abord de globules grisâtres, disposés en traînées allongées. Les globules augmentent ensuite de volume ; leur diamètre atteint 0m,06 et leur structure est nettement radiée. Puis la matière comprise entre eux devient pierreuse ; enfin, elle acquiert une structure grenue. La masse est envahie par des lamelles cristallines minces, dont quelques-unes ont 0m,001 de longueur; sa densité et son pouvoir magnétique ont augmenté notablement. Ce qui ressort de cette remarquable expérience, c’est la possibilité d’obtenir des produits cristallins par un recuit prolongé d’une roche naturelle fondue. L’incertitude des résultats tient surtout à l’imperfection des moyens alors utilisés pour déterminer les minéraux formés et pour constater leur mode d’agencement.

Pendant plus d’un demi-siècle, James Hall et Gregory Watt n’ont pas eu de successeurs. En 1866, M. Daubrée, étudiant la question de l’origine des météorites, effectue une longue suite de recherches ayant pour but leur reproduction artificielle. Il fond et soumet à un recuit prolongé plusieurs roches terrestres analogues par leurs élémens minéralogiques aux produits planétaires. Il opère également sur des mélanges chimiques de même composition, et, dans tous ces cas, obtient des produits nettement cristallisés. Il conclut de ses expériences que les météorites sont désormais imitées dans les traits généraux de leur composition et que plusieurs détails intimes de leur structure se trouvent même reproduits ; mais certaines particularités qu’il remarque dans les matières résultant de ses essais l’arrêtent quand il s’agit d’établir une assimilation complète.