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connaître. Mais il ne nous appartient pas de nous appesantir davantage sur ce sujet, quelque intéressant qu’il soit.

Pour compléter ce qui est relatif à l’emploi des réactifs volatils comme moyen de reproduction artificielle des minéraux, nous avons à signaler un remarquable travail de M. Hautefeuille, entrepris à la suite et comme continuation de ceux de Sainte-Claire Deville, et qui en est pour ainsi dire l’achèvement.

L’acide litanique se présente dans la nature sous trois formes cristallines distinctes; les minéralogistes disent qu’il est trimorphe, et ses trois variétés, nettement séparées par eux dans les classifications en usage, ont reçu des noms différens. On connaissait, par les expériences antérieures d’Ebelmen et de Sainte-Claire Deville, le mode de production de l’une d’elles; on savait qu’elle prenait naissance au rouge vif par la décomposition du chlorure ou du fluorure de titane, mais un ignorait l’origine des deux autres. M. Hautefeuille a fait voir qu’elles pouvaient naître aussi de l’emploi des mêmes réactifs et que le résultat dépendait uniquement de la température mise en jeu dans l’opération. Avec un art consommé, il a varié les conditions des expériences, de manière à produire à son gré les trois modifications du minéral, imitant jusqu’aux moindres particularités des échantillons naturels.

Un autre élève de Sainte-Claire Deville, M. Margottet, a employé encore la même méthode en l’appliquant à la reproduction des sulfures, des séléniures et d’autres composés analogues. Ses expériences mentent d’être rappelées à cause de leur délicatesse et de leur élégance. Il ne s’agit plus ici d’opérations effectuées à d’énormes tempérai ures; tout se passe au plus à 300 ou 400 degrés dans des tubes de verre. Des vapeurs de soufre ou de sélénium, entraînées par un courant de gaz inerte, sont amenées avec précaution à la surface d’un mêlai; aussitôt la surface de celui-ci s’altère, devient rugueuse et se couvre de protubérances cristallines ; puis ces saillies s’accroissent et l’on assiste au développement d’une génération de cristaux qui grossissent et se multiplient devant les yeux émerveillés. Ces produits, identiques de forme et d’aspect aux minéraux correspondans des filons métallifères, peuvent être à leur tour détruits par une action réductrice; un courant d’hydrogène met en liberté le métal qui entre dans cette constitution en le dotant d’une structure particulière qui donne un intérêt tout spécial à l’expérience. L’argent, par exemple, provenant de la réduction du sulfure se présente en filamens contournés semblables à ceux que les mineurs recueillent fréquemment dans les filons du Mexique ou de la Norvège. Dans l’expérience de M. Margottet, l’argent métallique apparaît au début de l’opération sous forme de petites aigrettes implantées