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ont eu pour point de départ l’observation de ce qui se passe dans la nature.

La plupart des minéraux qui remplissent les filons y ont été amenés en dissolution dans des eaux chaudes semblables aux eaux minérales de l’époque actuelle. Ces eaux, provenant des grandes profondeurs, y possèdent une température élevée et sont maintenues à l’état liquide par l’énorme pression qu’elles supportent. Quand elles arrivent dans des parties plus froides, elles sont chargées de matières qu’elles ont empruntées aux roches sous-jacentes, et déposent des minéraux cristallisés divers sur les parois des fentes dans lesquelles elles circulent. Il s’agissait d’imiter expérimentalement ces conditions géologiques naturelles. Le procédé mis en pratique par Sénarmont a consisté à chauffer en vase clos pendant plusieurs jours, à des températures s’élevant jusqu’à 400 degrés, de l’eau contenant les réactifs de l’expérience. Tantôt les matières étaient mises directement en suspension dans le liquide, tantôt l’un des élémens de la réaction chimique prévue était introduit dans une ampoule en verre que la chaleur faisait éclater, de telle sorte que le mélange ne s’effectuait qu’après fermeture de l’appareil. Quand la température de l’eau ne devait pas dépasser 180 degrés, un vase en grès ou même en verre épais pouvait être employé, mais pour les expériences faites à des températures plus élevées, le tube contenant le liquide de l’opération était renfermé dans un canon de fusil hermétiquement scellé ou clos avec un obturateur à vis. Malgré le soin apporté à cette fermeture, quelquefois l’énorme pression développée dans l’intérieur de l’appareil déterminait des fuites ou même de violentes explosions; mais l’opérateur persévérait, et l’essai recommencé donnait infailliblement le résultat attendu. Le tube, après refroidissement, était ouvert avec précaution, et, dans son intérieur, on trouvait une poudre cristalline dont il restait à vérifier la composition et les propriétés physiques. C’est dans ce contrôle que Sénarmont excellait; le goniomètre et le microscope semblaient entre ses mains acquérir une précision particulière. Le résultat de ces belles expériences a été la reproduction de presque tous les minéraux des filons métallifères; des sulfures, des arséniures simples ou complexes, des sulfates, des carbonates ont été obtenus ainsi en petits cristaux semblables à ceux des gisemens naturels; mais l’œuvre principale de Sénarmont a été la cristallisation du quartz. Ce corps, que l’on rencontre en extrême abondance dans les filons et dans les roches, avait résisté jusqu’alors à toutes les tentatives des chimistes pour le faire cristalliser; à la place du cristal de roche, les réactions des laboratoires ne donnaient qu’une matière gélatineuse ou qu’une poussière blanche dépourvue