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Cependant le minéral reproduit par Gay-Lussac n’est jamais qu’un élément accessoire dans les roches; d’ailleurs les conditions dans lesquelles on venait de l’obtenir, identiques, il est vrai, à celles qui président à sa production dans les volcans, sont certainement différentes de celles qui lui ont donné naissance dans la plupart des autres gisemens naturels. Aux yeux des géologues, ces considérations diminuaient beaucoup l’importance du résultat. L’oxyde de fer, disait-on, n’est qu’un produit chimique; jamais on ne fera cristalliser les véritables élémens des roches; la silice et les silicates résisteront toujours à toutes les tentatives de reproduction; la nature dispose d’un laps de temps indéfini et de forces illimitées. Comment espérer réaliser dans un chétif laboratoire ce qu’elle a produit avec des moyens aussi puissans? Pourtant, dès 1823, un fait des plus concluans répondait à ces objections. Un jour, pendant l’une des séances de l’Institut, Berthier, alors professeur de chimie à l’École des mines, soumit à l’examen de ses collègues de l’Académie des cristaux noirs supportés par un fragment pierreux. Cordier, professeur de minéralogie au Muséum, fut particulièrement appelé pour déterminer la nature du minéral en question. Après l’avoir considéré quelques instans, il répondit sans hésiter que c’était un pyroxène, silicate de fer et de magnésie, commun dans la nature, et il ajouta même que l’échantillon soumis à son appréciation devait venir d’une localité du Tyrol bien connue des naturalistes. Grande fut sa stupéfaction, lorsque Berthier, retournant le support des cristaux, montra que c’était un fond de creuset. Les cristaux étaient bien du pyroxène, mais ils étaient artificiels. Berthier les avait obtenus en fondant un mélange en proportions convenables de silice, de magnésie et d’oxyde de fer, et en laissant ensuite refroidir lentement le creuset.

Ce résultat ne fut pas le seul auquel il arriva; le même mode opératoire lui servit pour obtenir quelques autres silicates cristallisés. Il semblait ainsi avoir trouvé une méthode féconde; cependant il ne tarda pas à s’arrêter dans ce genre de recherches. Découragé par plusieurs essais infructueux, il considéra lui-même les succès qu’il avait obtenus comme purement fortuits, et, malgré les encouragemens de Mitscherlich, il dirigea d’un autre côté ses travaux de laboratoire.

Les expériences de synthèse minérale ne furent reprises que plus de vingt ans après. Un naturaliste, qui, pendant le cours de sa longue carrière, n’a jamais mis en œuvre que l’observation, Élie de Beaumont, peut néanmoins être considéré comme le promoteur de cet effort nouveau. Dans les leçons qu’il fit au Collège de France en 1845 et 1846, il exposa avec une clarté saisissante les données