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à la science des minéraux et des roches. Ces matériaux, après avoir été attentivement étudiés et connus dans les particularités les plus intimes de leur constitution, sont devenus l’objet de recherches ayant pour but leur reproduction artificielle. La nature avait opéré à profusion de merveilleuses cristallisations minérales, mais elle cachait jalousement le secret de ses procédés de travail. Le savant appelé à contempler ces produits n’a pu se contenter d’en admirer la variété et l’arrangement ; il a voulu en découvrir la source et le mode de formation, et, pour cela, il a fait appel à l’expérience appuyée sur l’observation et contrôlée par elle. Telle est l’origine des travaux de synthèse appliquée à la matière inorganique. Dans cette voie, beaucoup de découvertes sont encore à faire, mais les succès sont déjà assez nombreux et assez importans pour que leur histoire mérite d’être retracée.

Les roches cristallines sont pour la plupart composées de minéraux divers; ce sont des agrégats complexes. Avant d’en tenter la reproduction artificielle, on a songé tout d’abord à celle de leurs élémens, et pendant longtemps, c’est à ce but limité que se sont bornés les efforts des expérimentateurs. Un travail mémorable de Gay-Lussac ouvre le champ d’études. Ce savant, dans un voyage qu’il avait fait au Vésuve, en 1821, avait remarqué la multiplicité des produits cristallisés que déposent les fumées acides du volcan. L’une de ces matières, un oxyde de fer, qui, sous forme de lamelles miroitantes, tapisse les fentes incandescentes des cratères, avait particulièrement attiré son attention. Ce produit prenait naissance, sous les yeux mêmes des visiteurs, par une réaction mutuelle des gaz et des vapeurs volcaniques. Pouvait-on reproduire de toutes pièces le phénomène? Gay-Lussac n’hésita pas à répondre affirmativement. De retour à Paris, il imita dans son laboratoire l’opération de la nature. Des vapeurs de chlorure de fer, semblables à celles qui se dégagent sur les flancs du Vésuve, furent introduites dans un tube chauffé au rouge mélangées avec de la vapeur d’eau. Aussitôt, dans les parties froides de l’appareil, parurent des lamelles à reflets métalliques, identiques à l’oxyde de fer du volcan. Gay-Lussac, poussant plus loin encore l’imitation de ce qu’il avait constaté sur place, fit, dans une seconde expérience, intervenir les matières qui, dans les éruptions, engendrent le chlorure de fer lui-même. Le chlorure de sodium, la vapeur d’eau et les minéraux ferrugineux des laves lui fournirent de nouveau les cristaux miroitans du Vésuve. La démonstration cherchée était complète. Ces expériences sont demeurées célèbres dans les annales de la science; plus qu’aucune autre, elles ont contribué à la gloire de l’illustre physicien.