attirer sur les Slaves du Sud ou Jougo-Slaves l’attention de quelques lecteurs.
Il est certain, en effet, qu’à la suite de nos désastres et du recueillement forcé qui en fut la conséquence, l’opinion publique s’est trop habituée, chez nous, à négliger les questions extérieures qui ne touchent pas directement à la sécurité de nos frontières. La politique d’aventures a fait place brusquement à la politique d’effacement, — masterly inactivity, — et celle-ci n’a pas mieux réussi que celle-là. L’indifférence des chambres laisse trop souvent notre diplomatie maîtresse absolue de traiter les affaires étrangères suivant ce qu’elle croit être les intérêts évidens et traditionnels de la France; puis, au dernier moment, elles lui refusent les moyens de soutenir cette politique, au grand dommage de la dignité nationale. Un nombre trop considérable de nos députés, confiné dans son fief électoral, n’a d’énergie que pour s’y maintenir et s’y fortifier, et néglige bien souvent les questions extérieures, qui ne le touchent que de loin, pour les questions de stratégie ou d’influence parlementaires, qui atteignent plus directement ses intérêts.
Je suis, — je ne le cache pas, — de ceux qui déplorent cette apathie et cette incohérence, et mon ambition serait satisfaite si les notes qui suivent pouvaient rappeler à quelques-uns de mes lecteurs qu’il y a quelque part en Europe vingt millions de Slaves méridionaux dont l’avenir intéresse notre avenir et qui méritent d’entrer dans les préoccupations d’une chambre française au moins autant que la révocation d’un juge de paix ou la nomination d’un percepteur.
Quelques mots sur le passé des provinces slaves récemment occupées par l’Austro-Hongrie me paraissent devoir être l’introduction nécessaire de ces notes de voyages, écrites au jour le jour sans aucune préoccupation de la liaison des faits, et qui ont besoin, par cela même, de s’éclairer à la lumière de l’histoire. Je ne reprendrai pas les événemens les plus lointains dont le territoire aujourd’hui appelé Bosnie et Herzégovine a été témoin ; il me suffira de remonter en quelques mots à l’époque où les habitans actuels sont venus donner à ces provinces, avec leur vrai caractère ethnique, leur langage et leur nationalité définitive.
Les Serbes et les Croates qui peuplent aujourd’hui la Bosnie et l’Herzégovine habitaient au commencement du vif siècle le pied des montagnes qui séparent la Bohême de la Prusse moderne. L’empereur Héraclius, voyant l’Illyrie, de la Save à la Grèce et de l’Adriatique