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plus tard à cette fermeté, rendit au mois de juillet 1601 un édit révoquant ses premières lettres-patentes. » Il est difficile de croire que le rédacteur de cette dissertation eût véritablement étudié notre ancien droit domanial.

D’après les principes de cet ancien droit, antérieur à 1566, l’union du domaine patrimonial et particulier au domaine de la couronne devait être expresse et ne se présumait pas. De là vient, dit un domaniste, que nous trouvons des lettres patentes d’union de quelques domaines, expédiées par nos rois et vérifiées dans les cours souveraines après quatre-vingt-dix et cent cinquante ans de possession. En voici un exemple : en l’an 1271, le comté de Toulouse avait été acquis au roi par le décès d’Alphonse de France, comte de Poitiers, et de Jeanne son épouse, fille du dernier comte de Toulouse. Les officiers de Philippe le Hardi prirent possession de ce comté et, quoique depuis ce temps ses successeurs en eussent joui, ce fut seulement au bout de quatre-vingt-dix ans que le roi Jean l’unit expressément à la couronne par des lettres patentes de novembre 1361. Bien mieux, les fiefs mouvans de la couronne, possédés comme domaines particuliers par nos rois lors de leur élévation au trône, et qui, s’il faut en croire le savant auteur du décret, auraient dû être unis de plein droit à la couronne, c’est-à-dire au domaine, étaient néanmoins conservés dans leur nature de patrimoine domestique et particulier, faute d’union expresse. En voici un exemple : au mois d’août 1284, Philippe le Bel épousa Jeanne, reine de Navarre, comtesse de Champagne et de Brie. Cette reine mourut au mois d’août 1304, et son fils aîné Louis lui succéda. Louis devint lui-même roi de France en 1314. Or les comtés de Champagne et de Brie furent considérés comme domaine particulier du roi. C’est ce qui résulte : 1° de la transaction faite entre Philippe le Long et Eudes IV, duc de Bourgogne, oncle maternel de la fille de Louis le Hutin; 2° du contrat de mariage de Jeanne de France avec Philippe d’Évreux; 3° de l’accord passé entre Philippe de Valois et Charles II, roi de Navarre. Bien plus, la maxime de l’union tacite n’était pas même admise sous Louis XII. La reine Anne devint enceinte en 1509. Louis, au mois de septembre, fit expédier des lettres-patentes portant que, les seigneuries de Blois, Dunois, Soissons et Coucy étant domaines particuliers des ducs d’Orléans, « il n’entendait pas qu’ils fussent confus avec le domaine royal et public, mais voulait qu’ils demeurassent en leur première condition privée, comme héritage maternel et féminin de la maison d’Orléans. » Cela sembla tout naturel, car les précédens abondaient, et le rédacteur même des décrets, s’il avait vécu à « cette époque fort reculée, » n’aurait pas soutenu que les lettres patentes du bon roi « ne pouvaient prévaloir contre les droits de l’état et les règles immuables