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de toutes, on le conçoit aisément; d’après l’ancien système, nul ne peut être dépouillé que dans les cas prévus et déterminés d’avance; horrenda lex, sed lex : d’après celui-ci, le plus faible est purement et simplement à la discrétion du plus fort. D’après l’ancien système, un juge vérifie si les biens de l’accusé doivent être, en effet, transférés au fisc, et les droits du pouvoir judiciaire, unique sauvegarde des citoyens, restent saufs : d’après celui-ci, il faut empêcher à tout prix les magistrats de contrôler un acte arbitraire, et la justice elle-même est mise en interdit. Ni lois ni juges : il n’y a pas de plus grand péril.

Quand un gouvernement a commis une pareille faute, sa première tâche est de la réparer. S’il ne la répare pas lui-même, il appartient au gouvernement qui le remplace d’agir sans délai. Ce devoir est élémentaire.

L’auteur des décrets du 22 janvier 1852 avait-il commis cette faute? La France dut se le figurer il y a trente ans. En effet, on vit alors un spectacle unique dans les annales du second empire. Quatre ministres du prince-président, quatre de ses conseillers les plus éclairés et les plus fidèles, MM. Rouher, garde des sceaux; de Morny, ministre de l’intérieur; Fould, ministre des finances; Magne, ministre des travaux publics, quittèrent à cette occasion le ministère. Six mois plus tard, les conseillers d’état Cornudet et Giraud, le maître des requêtes Reverchon, le président de section Maillard, furent expulsés du conseil d’état pour avoir osé croire que les tribunaux de droit commun pouvaient statuer sur le recours des princes dépossédés. Ces démissions et ces destitutions donnèrent à penser, sans nul doute, à cette époque, que l’auteur du décret s’était mis au-dessus de lois universellement respectées. Une loi que le corps législatif vota sans débat quatre ans plus tard ne put qu’affermir cette opinion. Le second décret de 1852 avait soustrait aux trois filles de Louis-Philippe, devenues étrangères par leur mariage, les biens formant leurs constitutions dotales, et la réunion au domaine national des biens donnés par le lieutenant-général à ses enfans le 7 août 1830, provoqua, à ce point de vue, lit-on dans le rapport de M. Robert de Massy, des réclamations diplomatiques. Le gouvernement impérial se soumit, en conséquence, à une restitution qu’il voulut bien qualifier a d’équitable. » La loi du 10 juillet 1856 autorisa le ministre des finances à inscrire sur le grand livre de la dette publique trois rentes 3 pour 100 de 200,000 francs chacune au profit des héritiers de la reine des Belges, de la princesse Marie-Clémentine, duchesse de Saxe-Cobourg-Gotha, et des héritiers de la princesse Marie-Christine, duchesse de Wurtemberg. Ce n’était pas là, selon toute vraisemblance