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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 décembre.

Depuis quelque temps, on ne peut se le dissimuler, la France a le privilège d’être redevenue d’une manière toute particulière un objet de curiosité en Europe. Elle offre d’inépuisables alimens aux polémiques de toutes les capitales, aux correspondances des journaux, aux conversations des politiques. Il est certain que si on ne s’intéresse pas beaucoup à notre pays, on ne cesse de parler de lui, de ses crises intérieures, de ses désarrois financiers ou de ses déboires diplomatiques, et il est assez de mode parmi les étrangers de nous traiter légèrement, souvent avec ironie, parfois avec quelque pitié pour nos misères. On se plaît à représenter la France tantôt comme une nation qui s’affaisse dans une irrémédiable impuissance, dont il n’y a plus rien à craindre, tantôt comme un foyer d’anarchie qu’il est bon de surveiller, dont il faut se garder. Les développemens peuvent être variés, le thème est assez uniforme, et dans tous les commentaires peu bienveillans qui courent l’Europe, s’il peut y avoir quelque apparence de vérité, il y a certes encore plus de frivolité et d’exagération.

Oui, sans doute, on le sait assez, nous n’avons pas besoin qu’on nous le répète, les affaires de la France ne sont pas depuis quelque temps dans un brillant état. Notre pays, sans l’avoir mérité, est la victime d’une politique d’imprévoyance qui lui attire aujourd’hui de cruels mécomptes dans sa diplomatie, dans ses finances, dans toute sa vie intérieure, et une des plus pénibles conséquences de cette politique est justement d’exposer la France à ces jugemens dédaigneux qu’on répand sur elle en Europe ; mais enfin il faut rester dans le vrai. S’il y a des sévérités que nous pouvons nous permettre entre Français, que nous pouvons même exagérer au risque de donner des armes à tous nos ennemis, est-ce que ces étrangers qui le prennent de si haut avec notre pays ont bien le droit d’être si fiers d’eux-mêmes et de se